"C'est une déclaration de guerre contre la porte de Montreuil, un des quartiers les plus populaires de Paris". L'élue communiste Raphaëlle Primet n'a pas goûté le vœu de ses alliés écologistes, assis juste à côté d'elle dans l'hémicycle du Conseil de Paris.
Un vœu adopté jeudi grâce aux voix de l'opposition de la droite et du centre... contre les socialistes et communistes, autres composantes de la majorité de gauche d'Anne Hidalgo.
Le texte, juridiquement non contraignant, demande la remise à plat du projet à 100 millions d'euros porté par la mairie pour cette entrée inhospitalière de l'est de la capitale.
Ce projet prévoit la transformation d'un rond-point routier, situé au-dessus du périphérique, en "place" végétalisée de 3,5 hectares, mais surtout la construction d'une dizaine d'immeubles rassemblant "toutes les formes de l'économie actuelle, plus durable, plus équitable, plus solidaire", selon la mairie.
Pour ou contre les bureaux
En somme, une vision idéalisée de l'attractivité au service des habitants. "Il faut des bureaux à l'est" pour un rééquilibrage avec l'ouest parisien, insiste l'adjoint à la construction Jacques Baudrier, élu du XXe arrondissement qui porte depuis des années ce projet pour le "coin le plus moche de Paris".
L'élu communiste est donc particulièrement remonté contre ses collègues de la majorité. "Les Verts n'ont rien dit pendant dix ans" et une remise à plat reviendrait à "repartir pour dix ans" de concertations, peste-t-il, alors que les travaux doivent réellement démarrer en 2023 pour aboutir en 2029.
"Ce n'est pas vrai", répond Nathalie Maquoi, élue écologiste de l'arrondissement, qui défend un "aménagement plus sobre" avec des bâtiments "bas" et une "préservation des arbres", alors qu'environ 180 devaient être abattus à l'origine.
Pour Mme Maquoi, le projet porté par la maire Anne Hidalgo et son équipe est "un projet de rupture plutôt que de faire du lien", une "belle muraille entre Paris et Montreuil alors qu'il y a déjà des immeubles très haut".
Les écologistes s'opposent en particulier aux "60.000 m2 de bureaux" prévus, inutiles selon Nathalie Maquoi et qui "vont augmenter le phénomène d'îlots de chaleur" et "empêcheront la mutation future du périphérique".
La transformation de l'anneau routier en "nouvelle ceinture verte" de la capitale est un objectif partagé des écologistes et socialistes.
Mais là aussi, ils ne sont pas d'accord sur la manière d'y parvenir. Les premiers ont demandé l'interdiction des constructions dans un rayon de 150 m pour préserver les habitants de la pollution, et la nature.
Les seconds, qui voient aussi le foncier comme un moyen d'accélérer la mutation de l'axe rapide en "boulevard" urbain, ont accepté de revoir tous les projets à ses abords.
L'héritage de Missika
Opposés aux grands projets de l'ex-adjoint à l'urbanisme Jean-Louis Missika, situés principalement aux abords du périphérique, là où se situent les dernières opportunités foncières, les écologistes ont le vent en poupe.
Si les tours Duo (XIIIe) ont vu le jour, et que le chantier de la Tour Triangle (XVe) a démarré après des années de retard, celui de Mille Arbres (XVIIe) a été retoqué par la justice. En interne, les écologistes ont obtenu la remise à plat de deux autres zones à aménager, Bercy-Charenton (XIIe) et Bruneseau (XIIIe).
"Les tours de hauteur, c'était une aberration écologique", estime le conseiller EELV Emile Meunier, pour qui "la ville de demain ne pourra plus être densifiée comme elle a pu l'être jusqu'à présent".
Le président de la commission urbanisme et logement du Conseil de Paris égratigne aussi les petits projets urbains de la majorité, dès lors qu'ils densifient un îlot et grignotent un coin de verdure.
"Ce ne sont pas les standards qu'on veut pour Paris", a-t-il ainsi dit jeudi, au sujet d'un projet dans le XVIIIe.
Les écologistes "ne veulent plus rien construire", soupire Jacques Baudrier. "Ne défendre que les arbres... les habitants, c'est aussi du vivant", soutient l'adjoint à la construction.