Impossible désormais de la remplacer telle quelle.
Ce jeune propriétaire de 24 ans (qui ne souhaite pas donner son nom de famille) a déjà une idée de ce qu'il souhaite pour chauffer cette maison de 1955 : "le prix du fioul m'a décidé, je voudrais une chaudière biomasse, à granulés de bois".
"J'ai acheté en sortie d'études, sans quasiment aucun revenu fiscal, et donc avec le maximum d'aides", précise le récent diplômé en pharmacie. Son emploi assuré, les banques n'ont pas hésité à lui accorder un prêt pour l'acquisition de ce bien de 82 m2 surplombant les deux églises du village pour 500 habitants, "l'une protestante, l'autre catholique".
Son ordinateur par terre, en l'absence de chaises, dans la maison en pleine rénovation, Yannick Kennel rentre dans son ordinateur les mesures prises au sous-sol pour être certain que l'imposante cuve capable de contenir 3,7 tonnes de granulés pourra tenir.
"On devrait être entre 15 et 17.000 euros", annonce finalement l'artisan au néo-propriétaire. Ce dernier espère qu'au moins les deux tiers de l'investissement seront supportés par les aides telle que MaPrimeRénov, versée en fonction du "gain écologique des travaux".
"On surfe sur les aides"
Rien d'étonnant pour le professionnel, qui pour achever de convaincre Jérémy rappelle avoir installé quatre chaudières biomasse dans la rue principale du village.
"On a vendu une seule chaudière au fioul l'an dernier, aucune cette année... On surfe sur les aides", lâche à quelques kilomètres de là M. Kennel dans son magasin d'Ingwiller où brillent des poêles à bois et à granulés tout neufs.
La tendance risque de s'accentuer. Les nouvelles normes environnementales entrées en vigueur vendredi empêchent désormais d'équiper les bâtiments avec des installations neuves fonctionnant au charbon ou au fioul, en raison d'un niveau d'émissions de gaz à effet de serre dépassant le seuil des 300 grammes de CO2 par kilowattheure.
Dans la région de Strasbourg, la mesure a un impact particulier avec 24% des résidences principales chauffées au fioul dans le Bas-Rhin, l'un des plus forts taux du Grand-Est, et le double de la moyenne nationale.
Quant au gaz de ville, il n'arrive pas à Rosteig, ni dans 25.000 autres communes françaises, situées principalement à la campagne et dans le périurbain.
Autre option : les pompes à chaleur. Mais la rigueur des hivers dans ce village adossé aux Vosges du Nord rend Yannick Kennel réticent : "Tout le monde en voudrait, mais leur fonctionnement est très aléatoire. C'est paradoxal, mais parfois je demande aux gens dans un premier temps de mieux isoler les murs et les combles avant de changer leur chauffage".
"Une solution existe"
Pas de panique, rassure cependant Yannick Kayser, dirigeant du réseau de distribution de fioul Alliance Energies.
"La filière est en place pour installer des chaudières fonctionnant au biofioul (F30)", dit-il. Il contient 30% de biocarburant issu du colza, permettant de passer sous le seuil d'émission de gaz à effet de serre défini par la nouvelle réglementation, et coûte aussi 15% à 30% plus cher que le fioul classique avec un rendement comparable.
"Face aux incertitudes des prix de l'énergie, les ménages ne bénéficiant pas d'aides sont dans l'attente et réfléchissent à conserver leur chaudière", explique encore ce membre de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C).
Une nouvelle gamme de chaudières "Biofioul ready" sera déployée cet été. Les chaudières au fioul les plus récentes sont rétrocompatibles, tandis qu'il faudra changer le brûleur des plus anciennes.
"La demande de biofioul se fera vraiment ressentir au démarrage de la saison de chauffe, pour des clients qui auront des chaudières fioul obsolètes", prédit M. Kayser.
Victime de son succès, la tonne de granulés est, elle, passée de 300 euros l'an dernier à environ 400 euros aujourd'hui.