Camions, semi-remorques, transpalettes: vendredi matin rue Ampère, au cœur du village olympique, dans le brouhaha des moteurs, klaxons et autres avertisseurs sonores, toute sorte de véhicules vont et viennent dans un chassé-croisé bien huilé.
L'objectif est double: vider les chambres de leur mobilier avant que les promoteurs ne les réaménagent pour en faire des logements d'ici la mi-2025 d'un côté, trier et redistribuer ce qui peut l'être, notamment vers des centres Emmaüs, de l'autre.
"On est une trentaine par équipe, et on fait à peu près deux bâtiments par jour depuis fin août", explique à l'entrée d'une chambre Saïd Alfayad, 24 ans, arrivé fin août sur le chantier.
Défi logistique
Toute la journée, Saïd Alfayad et ses collègues descendent des étages les "tables de chevet, les pouffes, les penderie, le canapé...", énumère le jeune homme, "et puis en bas, il y a une équipe qui +palettise+ (charge les meubles sur des palettes, NDLR)".
Chaque bâtiment compte "à peu près 180 chambres", selon Laurent Michaud, directeur du village olympique.
Une fois en bas des immeubles, le mobilier est envoyé à l'entrepôt, un immense hangar blanc sous lequel transitent des milliers de meubles, situé en face de la gare routière du site désormais déserte.
Les canapés avec les canapés, les tables avec les tables: "on compte, on trie, on regarde s'il y a de la casse, puis on les renvoie", explique Amine Aït Ammar, 20 ans, sur le chantier depuis quelques semaines, qui décrit une mission "intense".
En tout, 54.000 meubles, 9.000 matelas et 11.000 oreillers sont collectés sur le site pour être envoyés vers les centres Emmaüs, selon le géant français du transport maritime CMA CGM, dont la fondation a mobilisé plus de 400 camions pour en assurer le transport.
Le flux est continu, avec 40 camions chargés chaque jour, et ce jusqu'au 30 octobre, date à laquelle les clés des différents logements doivent être remis aux promoteurs. A terme, 6.000 nouveaux habitants devraient prendre leurs quartiers à partir de 2025, le village olympique étant l'un des fers de lance de l'héritage immobilier de Paris 2024.
"Valeur historique"
"Le délai est très court", commente Laurent Michaud, selon lequel c'est un vrai "défi logistique". Vendredi, le village olympique était déjà à moitié démonté.
A l'autre bout de la chaîne logistique, les meubles et la literie qui occupaient les chambres des athlètes sont stockés dans deux centres différents: les premiers dans l'Yonne, la seconde en Seine-et-Marne.
Mais ce n'est que transitoire: in fine, tout ce mobilier doit profiter à des bénéficiaires d'Emmaüs Défi, branche de l'association caritative réservée aux personnes en réinsertion, qui pourront les retrouver dans l'un des 112 centres de d'Emmaüs.
"Pour nous, cela représente un a deux ans de dons", se réjouit Gwendoline Lafarge, responsable projet JO de l'association.
Rue Riquet, dans le 19e arrondissement de Paris, l'une des cinq antennes d'Emmaüs Défi accueille déjà un appartement témoin équipé des meubles olympiques, "tout ce qu'il faut pour équiper un appartement, résume Amélie Desprez, d'Emmaüs Défi.
Sur une trentaine de mètres carrés, 12 références de mobiliers et 3 de literies sont exposés: le matelas coûte 30 euros, le canapé 80, le miroir et les étagères se vendent 15 euros.
Marina Klimashina, 51 ans, vendeuse dans une grande enseigne parisienne, est venue vendredi matin pour s'équiper. "Ce sont des petits prix, les objets sont presque neufs", explique-t-elle, présente pour sa troisième visite au sein de l'appartement témoin, après que son assistante sociale a écrit à Emmaüs.
"Le fait d'avoir des objets olympiques, ça a une valeur historique", se réjouit Marina Klimashina, qui n'avait jamais "pensé à la possibilité d'avoir quelque chose des JO, parce que les JO, c'est un événement mondial". "Peut-être qu'un athlète s'est assis là pour écrire un mail à sa mère, c'est impressionnant" dit-elle, désignant le fauteuil exposé.