Renchérissement des coûts constructifs, prix du foncier élevés, changements du contexte institutionnel (RE2020, loi ZAN...), raréfaction de l’offre résidentielle, hausse des taux d’intérêt, difficultés d’accès au crédit... : ces évolutions tirent les prix immobiliers vers le haut, pèsent sur la solvabilité des ménages alors même que leur revenu est rongé par l’inflation et, in fine, grippent la demande. Et l’ajustement du marché du logement neuf par les prix semble pour l’heure peu probable en raison d’une rigidité des coûts à la baisse. De janvier à avril, la production de BPE se contractait de 6% sur an tandis que celle de granulats perdait près de 10% (CVS-CJO). Ce recul s’inscrit dans un contexte où l’activité du bâtiment, bien qu’en freinage, est encore alimentée par les stocks de carnets (qui s’épuisent) tandis que, du côté des travaux publics, les travaux réalisés progressent mollement. En d’autres termes, la demande de matériaux est encore appelée à se réduire dans les prochains mois...
Nouveau recul des productions entre mars et avril
Les premiers résultats de l’enquête mensuelle d’avril suggèrent une nouvelle baisse de l’activité des matériaux. Dans les granulats, la production cède -1,4% entre mars et avril pour un niveau inférieur de -3,8% par rapport à avril 2022 (données CVS-CJO). Sur les trois mois de février à avril, l’activité a encore reculé par rapport aux trois mois précédents
(-3,1%), laissant le trimestre en baisse de -9,2% au regard de la même période d’il y a un an. De janvier à avril, la production s’inscrit en recul de -9,9% sur an un, l’effet de base du « bon » premier trimestre 2022 pesant encore sur la tendance. En cumul sur douze mois glissants, l’activité des granulats décline de -7% et perd ainsi près de 3 points par rapport à son rythme de fin 2022.
De leur côté, les livraisons de BPE ont également reculé entre mars et avril, mais plus modestement (-0,7%), se situant -2,6% en dessous de leur niveau d’avril 2022 (CVS-CJO). Au cours du trimestre février-avril, l’activité n’a perdu que -0,9% mais elle est en retrait de – 5,6% par rapport à la même période d’il y a un an. Au total, en cumul sur les quatre premiers mois de l’année, la production de BPE se contracte de -6% sur un an. En cumul glissant sur douze mois à fin avril, elle perd -5%, soit près d’un point et demi de moins que quatre mois plus tôt.
Notre indicateur matériaux, encore provisoire pour le mois d’avril, affiche aussi un repli (-5,4% sur un an, CJO). Après un premier trimestre en contraction de - 9,8%, la tendance sur les quatre premiers mois de l’année reste très négative (- 8,8%), même si elle se modère un peu, et aucun des matériaux du panier n’échappe à la morosité conjoncturelle.
Bâtiment : avis de tempête
Longtemps résilient, le climat des affaires dans le bâtiment (mesuré par l’enquête INSEE) se dégrade depuis février et plus nettement en mai, à l’instar des autres soldes d’opinion relatifs à l’activité, aux carnets de commandes ou encore aux prix et effectifs prévus. Même si bon nombre d’entre eux demeurent encore au-dessus des moyennes de long terme, ils s’en rapprochent inexorablement avant d’en franchir le seuil, probablement dans les tout prochains mois. En mai, les professionnels du bâtiment perçoivent une dégradation de leur activité passée et leurs perspectives se détériorent, en particulier dans le logement neuf et le gros œuvre. Même si, compte tenu des effectifs, les carnets de commandes assurent encore 9,1 mois de travail dans le gros œuvre, les chefs d’entreprise ont un jugement de plus en plus défavorable sur leurs carnets, ranimant leurs incertitudes économiques.
L’enquête de la Banque de France confirme pour sa part que la situation des carnets dans le gros œuvre se complique, le solde d’opinion négatif en mai pour le quatrième mois consécutif suggérant une raréfaction des nouvelles prises de commandes. Quant aux difficultés d’offre liées aux problèmes d’approvisionnement dans le bâtiment, elles continuent de refluer, sans toutefois disparaître ; les contraintes de personnel, elles, demeurent prégnantes, ce qui traduit encore des tensions pour répondre à la demande. Et même si l’évolution des prix et devis est en nette modération, le marché porte aujourd’hui les stigmates des points hauts atteints en 2022.
Les dernières données de commercialisation des logements neufs pour le premier trimestre 2023 font état d’une chute des ventes aux particuliers de -41,1% sur un an, à moins de 19.500 unités, et le délai d’écoulement des stocks s’est allongé de 4 mois et demi en un an pour les appartements (à 4,7 trimestres) et de 7,8 mois pour les maisons (6,2 trimestres).
Compte tenu du marché moribond et des encours qui se redressent mécaniquement (+19,6% sur un an au premier trimestre avec 123.805 logements), les promoteurs ont continué d’ajuster leur offre, réduisant leurs mises en ventes de -14,9% au premier trimestre en glissement annuel.
Côté CMistes, la conjoncture est tout aussi sombre : selon Markemétron, les ventes de maisons individuelles du secteur diffus ont plongé de -44,5% en avril sur un an, portant le cumul des quatre premiers mois de l’année à -34,4% sur an, un niveau bien en-dessous de la moyenne de long terme (-43,3%).
L’activité de construction résidentielle ne se porte pas mieux. Les mises en chantier accusent un repli de -16% sur un an au cours des trois mois de février-mars- avril avec 354.200 logements en cumul sur douze mois (- 8,9% sur un an). Du côté des locaux, les surfaces commencées affichent aussi un net recul, de -19,4% au cours de la même période, avec un cumul sur douze mois en baisse de -9,6%. Et les chiffres des permis n’augurent rien de meilleur pour l’avenir : de février à avril, la contraction par rapport à l’an passé atteint -32,5% pour les logements et -9,8% pour les locaux non résidentiels.
Au total, le secteur de la construction de bâtiments s’apprête à faire face à un ajustement assez brutal de son activité dans les mois futurs, en l’absence d’une politique de soutien volontariste. Début juin, les annonces des pouvoirs publics à la suite du CNR (Conseil National de la Refondation) sur le logement, n’ont pas répondu aux attentes fortes des professionnels du secteur face à l’ampleur de la crise qui se profile. En particulier, l’absence de mesures incitatives à destination des maires (pour délivrer des permis) ou encore des particuliers investisseurs (fin du dispositif Pinel) ainsi que le rabotage de certaines mesures existantes (PTZ recentré et sous conditions) ne permettra pas d’espérer une vraie relance de la dynamique constructive...
TP : activité sans élan
Selon la dernière enquête menée par la Fédération des Travaux Publics, l’activité du mois d’avril aurait reculé par rapport à mars mais légèrement progressé sur un an (+1,8% en volume, données CVS-CJO). Les facturations, très dépendantes de l’évolution des coûts et prix des devis, témoignent d’une activité sans élan, alors que, à mi-chemin des prochaines élections municipales, elles devraient plutôt reprendre vigueur. Et hormis quelques gros marchés conclus isolés, l’évolution des prises de commandes (+4% sur douze mois glissants) ne traduit toujours pas de vrai raffermissement des marchés conclus, notamment en provenance de la clientèle publique.
Chiffres clés
A fin avril, en cumul sur douze mois, la production de BPE recule de -5% sur un an, celle de granulats de -7% dans le même temps, les ventes de maisons individuelles chutent de -34% et les permis de construire en logements de -30%...