Si les volumes perdus pendant le confinement de mars 2020 ne seront jamais comblés, le retour à une “normalisation” des tendances se poursuit et, en janvier, les productions de granulats et de BPE étaient supérieures à leur niveau mensuel moyen de ces dix dernières années. Ce constat encourageant traduit une forme de rattrapage graduel du chemin perdu mais les indicateurs de demande, côté bâtiment et travaux publics, suggèrent que le rythme de l'activité des prochains mois pourrait être freiné par l'épuisement des carnets de commandes qui, aujourd'hui, peinent à se regarnir.
Janvier, supérieur à la moyenne
D'après les résultats provisoires pour janvier, les productions de granulats et de BPE se situeraient au-dessus de la moyenne des mois de janvier de ces dix dernières années (+2,2% pour les granulats et +3,7% pour le BPE, en données brutes). L'activité aurait donc bien « tenu » en ce début d'année : les tonnages de granulats affichent une hausse de +6% par rapport à décembre et de +0,5% par rapport à janvier 2020 qui, rappelons-le, avait été très dynamique (données CSV-CJO). Au cours des trois derniers mois, la production aurait ainsi continué de progresser au regard du trimestre précédent (+4,4%) mais aussi par rapport aux trois mêmes mois d'il y a un an (+2,4%).
Sur douze mois, le glissement annuel revient ainsi à -7,5% fin janvier. Côté BPE, les livraisons de janvier ont cru de +2,8% par rapport à décembre mais s'inscrivent en recul de -2,3% par rapport à janvier 2020 très vigoureux (données CVS-CJO). En cumul sur les trois derniers mois, la production de BPE grimpe encore de +3,2% par rapport à la même période de l'an passé mais plus modérément au regard des trois mois précédents (+0,9%). Sur les douze derniers mois, la tendance demeure fortement baissière avec un recul de -9,7% des volumes produits sur un an. Quant à l'indicateur Matériaux, en dépit du net redressement constaté au second semestre, 2020 s'achève sur un repli annuel de -6,4% et janvier s'afficherait en léger retrait par rapport à l'an passé (-0,7% en CJO).
Les entrepreneurs du bâtiment confiants, les promoteurs inquiets
Les mois se suivent et se ressemblent : en février 2021, selon l'enquête menée par l'INSEE auprès des entrepreneurs du bâtiment, la confiance reste de mise et les perspectives d'activité demeurent plutôt bien orientées pour les prochains mois. Non seulement leur jugement sur les carnets de commandes s'améliore (avec des niveaux toujours supérieurs à 9 mois dans le gros œuvre) mais leur opinion sur l'évolution prévue des effectifs se redresse, sans doute en réponse à une main-d'œuvre réduite ces derniers mois.
D'ailleurs, en février, environ un entrepreneur sur cinq se déclarait confronté à des tensions productives en raison du manque de personnel. Pourtant, côté construction, les mises en chantier et les autorisations restent dans le rouge, même si le redressement se poursuit du côté des permis logements. En effet, à fin janvier et sur les trois derniers mois, le nombre de logements commencés baissait de -11,2% par rapport aux trois mois précédents, le repli étant plus marqué dans le segment du collectif que dans celui de l'individuel. Sur douze mois, on dénombrait ainsi 345 000 chantiers ouverts à fin janvier,soit une baisse de 11,3% sur un an.
S'agissant des autorisations, en revanche, les trois derniers mois enregistrent une nouvelle hausse de +9,6% au regard du trimestre précédent, avec cette fois une dynamique plus soutenue pour le logement collectif. Pour autant, sur ces douze derniers mois, le bilan reste très négatif avec une contraction des permis de -16,3% (à 377 600 unités), le segment du collectif accusant un plongeon de -23,5% des dépôts. Enfin, concernant les locaux d'activité,le déclin se poursuit.A fin janvier,en cumul sur trois mois, les surfaces commencées s'enfonçaient de -21,4% sur un an (bureaux, locaux industriels et entrepôts affichant les reculs les plus prononcés), tandis que, sur douze mois, le repli atteint -18,4%. Les chiffres des permis ne laissent aucun espoir de retournement de tendance dans les mois à venir, les surfaces autorisées diminuant de -15,6% sur le trimestre et de -19,1% sur douze mois. Ces évolutions font écho à la conjoncture de la promotion immobilière, particulièrement morose en 2020. En dépit d'une hausse marquée des ventes en bloc aux investisseurs institutionnels et aux organismes HLM (+7,2%), les ventes se sont contractées d'un quart entre 2019 et 2020 (-40 000 logements vendus). Au-delà des effets de la crise sanitaire, la Fédération des Promoteurs Immobiliers -FPI pointe aussi les obstacles politiques (blocage des permis dans les métropoles) et la multiplication des contraintes réglementaires (notamment la RE2020) pour expliquer la chute de l'offre de logements, d'environ un tiers en un an.
En 2020, les mises en vente ont fléchi de près de -28% pour des réservations en repli de -24,1%. La fonte des stocks (-9% en 2020) devrait donc se poursuivre en 2021 alors même que la demande des ménages reste forte ; une situation déséquilibrée qui pourrait se solder par de nouvelles tensions sur les prix, déjà tirés vers le haut en 2020 : le prix moyen du m² d'un appartement neuf a monté de +1,7%, celui d'une maison de +4,5%, des évolutions qui risquent à terme d'écarter les ménages de l'accession à la propriété. Certes, le marché de la maison individuelle en secteur diffus a montré des signes de résilience en ce début d'année, sans doute grâce à l'assouplissement des recommandations du HSCF. Mais les exigences des banques en matière d'apport personnel vont continuer de se renforcer et, dans un contexte où les taux ne peuvent guère baisser d'avantage et où les durées de prêts se sont déjà bien allongées (232 mois en moyenne en février 2021), la hausse des prix immobiliers pourrait bien mettre un terme à cette embellie.
Travaux publics : manque de visibilité
Interrogés en janvier 2021, les entrepreneurs des travaux publics étaient certes un peu moins négatifs sur leur activité future qu'à l'automne mais leurs carnets de commandes tardaient toujours à se regarnir. En 2020, selon la FNTP, l'activité aura chuté de -12,5% en volume et les prises de commandes auront plongé de -13,2% (CVS-CJO). Dans le segment des travaux routiers, le décrochage est encore plus prononcé, le chiffre d'affaires reculant de -14,4% en 2020 et le volume d'appel d'offres se contractant de -31%. Selon Routes de France, « le cycle naturel des appels d'offre n'a pas encore repris dans le bloc communal » et, en janvier, leur nombre était encore -15% en dessous de celui de janvier 2020. Seule la mobilisation des collectivités locales pour engager le plan de relance dans les territoires permettra de regarnir les carnets de commandes et donner de la visibilité aux acteurs locaux.