La mairie socialiste, propriétaire de 96 lieux de culte, dont les 85 églises, met en avant 142 millions d'euros d'investissements votés et engagés, dont 80 millions déboursés pendant la mandature d'Anne Hidalgo, candidate à sa réélection à l'occasion des municipales en mars.
Ce patrimoine "reste dans un état très préoccupant", en dépit de "progrès manifestes depuis quelques années", affirme pour sa part l'Observatoire du patrimoine religieux (OPR).
Entretien et restauration représentent des chantiers énormes sur un patrimoine hétérogène, du gothique XIIe siècle aux églises en béton armé.
La Trinité (travaux pour 26 millions d'euros), mais aussi Saint-Augustin, Saint-Eustache, Saint-Merry, Saint-Gervais, Saint-Louis-en-l'Ile... Il ne s'agit pas seulement des façades, des chapelles, mais aussi de 40.000 oeuvres (vitraux, statues, sculptures, peintures, fresques, tableaux, etc) formant un patrimoine inestimable, mal connu et mal entretenu.
Dans ce contexte, les 50 millions promis par Anne Hidalgo pour Notre-Dame de Paris, propriété de l'Etat, ont fait débat. Une aide justifiée par la mairie qui plaide que la cathédrale "fait partie de manière consubstantielle de la ville".
"Par petits bouts"
"La mairie disait n'avoir plus d'argent. Elle l'a trouvé pour Notre-Dame! Elle donne pour se mettre au niveau des grands mécènes, comme Arnault ou Pinault", reproche le journaliste et historien Didier Rykner, de la Tribune de l'art.
"On restaure les églises par petits bouts, il n'y a pas de plan d'ensemble, pas suffisamment de conservateurs", selon lui.
La municipalité, selon ses détracteurs, privilégierait ce qui se voit, posant des "rustines", faisant des "colmatages". Et le patrimoine se détériorerait plus rapidement qu'il est restauré, ce qui ne ferait qu'alourdir la facture pour l'avenir, pointent-ils.
Selon une étude de l'OPR, 500 millions d'euros devraient être mobilisés d'ici 20 ans pour rénover les églises de Paris. Pour qu'elles soient perçues comme une "vitrine" attrayante et un "musée à ciel ouvert" d'un patrimoine exceptionnel, estime son secrétaire général, Maxime Cumunel.
Karen Taïeb, adjointe chargée de patrimoine, récuse les critiques. Il a fallu dans cesse, dit-elle, aller au plus urgent: assurer "le clos et le couvert" (protection d'un bâtiment), alors que les infiltrations, et, secondairement la pollution, font gonfler et tomber les pierres. Des filets, des étais sont ainsi posés dans diverses églises.
"Appel d'air"
"On ne fait jamais du rafistolage. Il faut restaurer la cause avant de réparer les effets. On ne peut venir donner un coup de peinture quand il y a des études préalables à mener", plaide l'élue, en pensant au cas douloureux des belles peintures murales abîmées à Saint-Séverin.
Pierre-Henry Colombier, sous-directeur du patrimoine à la Ville de Paris, relève la rude tâche d'"exécuter des budgets très importants" avec une équipe de 35 personnes. "On est dans le temps long, pas dans le symbole", plaide-t-il.
Pour Christophe Rousselot, délégué général de la Fondation Notre-Dame, l'incendie du 15 avril a toutefois "créé un appel d'air" pour les mécènes, plus de 400 entreprises ayant contribué pour la cathédrale.
Ainsi pour la restauration complexe de la Madeleine: "un mécène, qui n'était pas identifié comme mécène sur le patrimoine, s'est manifesté".
"Une digue a cédé dans le soutien aux édifices cultuels. Avant les mécènes institutionnels avaient la trouille. Puis ils ont vu l'attachement viscéral des gens - croyants ou athées - à ce patrimoine. On n'hésite plus à dire qu'on va +mécéner+ du patrimoine cultuel", analyse M. Colombier.
La ville s'appuie, relève-t-il, sur ce "bras armé" que constitue la Fondation pour l'avenir du patrimoine à Paris, filiale de la Fondation Notre-Dame, pour définir ensemble les cibles du mécénat.
Un modèle à suivre: la superbe restauration intérieure de Saint-Germain-des-Prés, pratiquement achevée, qui a pu être assurée majoritairement grâce au mécénat.