Pascal, 52 ans, n'est pas peu fier. Il va désormais habiter une "tiny" qu'il a lui même en partie aménagée. "C'est parfait. J'ai déjà habité en caravane. Là c'est mieux", dit-il de sa voix timide en dévoilant sa nouvelle "maison" d'une vingtaine de m2, avec douche, toilettes, cuisine, mezzanine et table dépliante, où l'on sent les effluves du bois de hêtre. "C'est un changement total. Ici, on est plus libre (que dans un immeuble), on sort tout de suite dehors".
A l'origine de cette initiative, un appel à projet de la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) fin 2020. L'objectif est de proposer "une forme d'habitat pour des personnes très désocialisées et en grande marginalité", explique Simon Robitaille, qui pilote le projet des "tiny" à l'Amisep, association bretonne de lutte contre la précarité. "L'idée a été de combiner le logement et une activité sur site. On est ainsi parti sur cette idée originale de faire de l'auto-construction de tiny house".
En cette journée de printemps, non loin de l'hippodrome et face à une rangée de maisons aux haies bien taillées, une poignée d'hommes s'activent sous le hangar appartenant à l'Amisep, où est accroché un drapeau de Bob Marley. Du lundi au vendredi, de 8H30 à 16H30, ils peuvent venir travailler bénévolement à la construction d'une tiny, avec l'objectif d'en construire huit en trois ans.
Le cadre est volontairement souple et accueillant, avec repas offert le midi. "Certains sont tous les jours là tandis que d'autres arrivent tout feu tout flamme et ne reviennent pas. C'est un dispositif qui doit permettre d'accueillir des gens qui ne trouvent leur place nulle part", rappelle M. Robitaille.
Alors qu'un vieux transistor crache du Dire Straits, ils sont plusieurs à couper des panneaux de bois et à les plaquer en dessous de la charpente, sous le regard de Bastien, l'éducateur technique. "J'essaye d'évaluer chaque personne et de répartir les tâches selon les capacités de chacun", explique-t-il.
"Une reconstruction"
La tiny, déjà bien avancée, devrait être habitable début juillet, après quatre mois de travaux, pour un coût avoisinant les 25.000 euros.
Une facture défiant toute concurrence dans une région prisée où "le foncier est en tension", note Frédéric Le Poul, directeur du pôle précarité à l'Amisep. "C'est à la fois une construction mais aussi une reconstruction pour eux", analyse-t-il.
Ainsi certains, emballés par ces adorables petites maisons mobiles, ont retrouvé l'envie de se lever. "J'ai eu une phase difficile et une addiction... Les tiny m'ont permis de me remettre dans le bain physiquement et mentalement", analyse Benoit, qui a même obtenu un contrat d'insertion.
Alister, visage marqué par les épreuves de la vie, se sent à l'aise dans cette ambiance. "Je préfère être ici et participer à ce projet et ça me fait des horaires. Pendant ce temps je fais pas de bêtise...Sinon je serais à Vannes en train de zoner", admet-il.
Certes, d'autres n'ont pas souhaité s'investir dans le projet, rechignant à travailler bénévolement et sans avoir l'assurance d'occuper la "tiny". Car le choix de l'heureux locataire, qui devra s'acquitter d'une participation financière modique, sera fait in fine par le Service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) de Vannes. Conditions sine qua non: avoir participé au chantier et ne pas trouver de solution d'hébergement "classique".
Benoit la contemple déjà avec envie et fera une demande pour l'occuper. "Car je l'aime bien, elle a un côté un peu cabane sauvage, j'espère que l'une des huit sera pour moi!", glisse-t-il, soulignant que ce type d'habitat correspondait au profil de gens comme lui.