L'occupation, démarrée le 27 juin à Saint-Pée-sur-Nivelle, à une dizaine de kilomètres à l'est de Saint-Jean-de-Luz, durera jusqu'à ce que "la vente soit cassée", assurent-ils. Le bien, une bâtisse ancienne entourée d'un domaine forestier de 50 hectares, dont 7 de terres agricoles, a été vendu pour 1,3 million d'euros.
Dans ce territoire où les mobilisations se multiplient contre l'envolée des tarifs de l'immobilier, la transaction a aussitôt fait bondir le syndicat paysan ELB (affilié à la Confédération paysanne), qui se bat régulièrement contre des ventes de terres agricoles au-dessus des prix du marché.
L'enjeu est de maintenir un "référentiel de prix", celui que chaque vente dite spéculative tire inexorablement vers le haut.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, selon des données de la Safer (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural) en 2022, le prix des terres et prés libres a intensifié sa hausse (+6%), amorcée en 2021.
Valeur presque quadruplée
Si les parties ont proposé, lors de réunions de médiation, de basculer la majeure partie de la valeur du domaine sur la maison, afin de ne pas surévaluer les terres agricoles, l'option a été rejetée.
"Nous nous battons contre un problème de spéculation globale, on parle de donner une valeur de 1,1 million d'euros à une maison qui en vaut 300.000", s'insurge Ttotte Elizondo, occupant, paysan et membre du syndicat ELB.
Ici, impossible de dissocier le bâti, qui a perdu sa vocation agricole, des terres exploitables. Une impasse pour la Safer qui doit se plier aux règles d'une préemption partielle, à savoir accepter le prix de vente fixé par l'acheteur.
"Le législateur doit réviser ses règles, parce que des dossiers de ce genre, on en a plein d'autres qui arrivent, le terrain est miné", estime Jean-Claude Saint-Jean, responsable de la Safer au Pays basque.
Une proposition de loi, déposée en mai 2023 par le député basque Vincent Bru et celui des Hautes-Pyrénées Bernard Sempastous, membres de la majorité gouvernementale, propose justement d'élargir les possibilités de préemption.
En 20 ans, 18.000 hectares de terres agricoles ont disparu au Pays basque, selon des chiffres du Recensement général agricole (RGA). Entre 2010 et 2020, on estime que la surface agricole utile a diminué de 3,9% sur ce territoire, quand le taux de diminution national est de 1%.
Quatre mois en 2021
Dans la vieille maison, les "tours de garde" sont organisés. Chaque jour, des volontaires d'un village différent viennent occuper les lieux de 9H du matin à 9H le lendemain. Max Shore, Suisse de 26 ans, est là depuis le premier jour.
"Ils ont raison de batailler dès maintenant et de ne pas laisser passer", commente le Genevois, arguant que "chez [lui], il est déjà trop tard".
Dans un communiqué diffusé dans la presse locale, les acheteurs, à la tête d'une pâtisserie/chocolaterie à Saint-Jean-de-Luz, défendent un projet agricole "en lien avec la production artisanale de leurs produits pâtissiers et chocolatiers". Ils veulent produire des noisettes, des figues, des cerises et installer des ruches.
Ramuntxo Labat-Arramendy, l'un des occupants, n'est pas convaincu. "Certes, ce sont des acheteurs du territoire, mais peut-on laisser faire ça pour autant ?", se demande ce cheminot. Il veut rester le temps qu'il faudra pour que le grand public "voit enfin la réalité en face".
En 2021, une occupation de terres à Arbonne, village à 10 minutes de Biarritz et voisin de Saint-Pée-sur-Nivelle, avait duré quatre mois, jusqu'à l'annulation de la vente. La cession à un acheteur privé et non paysan de trois bâtiments (non agricoles) et de 11 hectares de terres arables conclue pour plus de 3 millions d'euros avait choqué et entraîné une large
mobilisation.