En quelques années, une véritable filière industrielle s'est imposée et a réussi un exploit sans précédent. Mais celle qui tournait à plein régime, il y a encore quelques mois a été frappée de plein fouet par la crise sanitaire liée au Coronavirus.
Aussi, les industriels en appellent à l'Etat pour que celui-ci soutienne, dans le cadre de son plan de relance attendu en septembre prochain, cette filière essentielle pour la vie des citoyens, la croissance économique et l'emploi en France. Le ministre Julien Denormandie et le président de l'Arcep, Sébastien Soriano ont été interpelés à ce sujet.
La crise Covid a chamboulé la filière. L'étude d'impact EY / Tactis commandée par InfraNum et dont les résultats ont été présentés le 15 juin dernier, a apporté un nouvel éclairage à l'Observatoire annuel du THD, fruit d'une enquête qualitative menée auprès d'un panel représentatif de 120 entreprises du secteur interrogé en début d'année. Conclusion : un grand nombre de données a été réajusté par rapport à l'édition 2019 et des points de vigilance sont mis en exergue.
Un objectif 2022 de déploiement, potentiellement remis en cause
Une certitude, l'objectif 2022 du Plan France THD sera difficilement tenable car il faut faire face au retard lié au Covid-19 et intégrer la croissance réelle du parc logements :
- 1,5 million de retard : la crise sanitaire a largement entamé les capacités de production des prises FttH pour les années 2020 (-1 million) et même 2021 (-500.000) ;
- 5 millions de logements en plus : le parc de logements en France ne cesse de croître. Désormais, les hypothèses de prévisions concernant les prises à raccorder sont de 42,4 millions pour 2025, soit 5 millions de plus que lors du dernier référentiel.
Si le pic des déploiements est attendu pour 2022, avec une forte montée en puissance en zones RIP à partir de 2021, il reste ainsi 23 millions de prises FttH à construire d'ici 2025.
La crise Covid ayant démontré l'importance du THD partout en France pour le maintien en activité des services publics, de l'activité économique et du lien social, le plan de relance pour la filière doit se donner l'ambition d'une généralisation de la fibre pour 2025.
A cet horizon, 3 millions de prises restent à financer pour atteindre les 41,1 millions de prises que la filière estime pouvoir déployer.
Sauf si ...
C'est pourquoi, la fédération Infranum en appelle à :
- Un financement supplémentaire de l'Etat de 400 millions € pour éviter d'exclure du THD 1,4 million de foyers ;
- Lever un certain nombre de freins opérationnels et réglementaires, à commencer par ceux liés aux appuis communs (avec Enedis), à la base adresse nationale (en zone très rurale, les opérateurs enregistrent jusqu'à 50% des prises dépourvues d'adresses - en Ile de France : encore 5% d'échec) et au mode Stoc (pour lequel rien n'a été enclenché par l'Arcep malgré des propositions concrètes). A l'inverse, les organisateurs se félicitent de la mise en place du standard Gr@ce THD V3 qui simplifient les études liées aux déploiements.
- Mieux utiliser le mix technologique pour apporter une solution aux oubliés du THD. Relégitimés par la crise Covid-19, le THD radio et le satellite offrent des leviers immédiats qui doivent être soutenus par une action forte de l'Etat (prorogation du guichet et des licences THD radio, soutien et aides financières, maintien de l'ouverture du fonds de cohésion numérique).
Un nouveau défi côté emploi
Après une année record en 2019, avec 9.000 recrutements (23.500 ETP au total dans la filière), 2020 sera également une année de tous les défis avec 5.300 nouveaux emplois directs, répartis partout en France.
Partie de zéro, la filière a réussi à construire une puissante dynamique de formation et d'insertion. En 2019, les centres de formation étaient occupés à 95%. En 2020, les marchés de travaux et DSP auront représentés 9 millions d'heures d'insertion sociale, dont 1,8 en formation.
Si la mobilisation est générale sur ce thème, « une campagne de communication signée par l'Etat et incitant les demandeurs d'emploi à s'intéresser aux métiers de la fibre semble aujourd'hui indispensable pour maintenir le cap de 2022, où la filière atteindra son pic à 30.500 emplois directs » explique Hervé Rasclard, délégué général InfraNum.
La France, pays le plus fibré mais le moins numérisé
Sujet récurrent mais non moins sensible : le retard des entreprises françaises à enclencher leur transformation digitale. Malgré les progrès de déploiement, la France n'arrive qu'à la 17ème place en termes de numérisation des entreprises. Avec des effets évidents sur la compétitivité et l'avenir de notre économie.
Selon Etienne Dugas, Président InfraNum « le compte n'y est pas ! Les analyses de marché de l'Arcep doivent enfin tirer les conclusions qui s'imposent et conduire à des évoluions fortes de la réglementation ».
Loin d'être désuets et alors qu'ils arrivent bientôt à échéance, la fédération indique que les RIP de première génération jouent un rôle essentiel à ce sujet, et dans une moindre mesure dans les projets smart territoires.
Concernant ces derniers, la diversité des projets et l'enjeu d'avenir qu'ils représentent conduisent InfraNum et l'Avicca a réclamé un plan national du smart reposant sur une logique de partenariat public/privé et une véritable collaboration entre les différents échelons territoriaux.
Forte d'une filière structurée et mobilisée, la France, arrive en tête pour ses déploiements fibre en Europe et pour le rythme de croissance de son parc d'abonnés FttH/B (+1,9 millions en 4 ans). Elle peut alors se permettre d'envisager sérieusement l'export de son « french model ». 88 millions de prises seraient ainsi à déployer à ses portes, rien qu'en UK, Allemagne, Pologne et Italie. Et après l'Europe, l'Afrique, l'Amérique du Nord...
De gros enjeux de développement pour les acteurs de la filière dont l'activité française sera sensiblement différente après 2025 et qui auront su, grâce au soutien de l'Etat, se relever suffisamment de la crise qui vient de les frapper.
Les premières réactions...
La table-ronde qui a suivi la présentation de ces résultats a suscité de nombreuses réactions, mais tous les acteurs s'accordent à confirmer leur engagement dans le Plan France THD et la réussite de ses 3 jalons : 2020, 2022 et 2025.
Sébastien Soriano, Président de l'Arcep a d'ailleurs prévenu que « Le régulateur ne tolèrera pas de remise en cause du calendrier sans justification valable ».
Patrick Chaize, Président de l'Avicca n'a pas hésité à marteler « Il faut 100% de THD, c'est-à-dire le même accès pour tous et sur tous les territoires. Aucune alternative n'est envisageable, d'autant que certains départements ont déjà prouvé que c'est possible ».
Julien Denormandie, Ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement a salué le travail déjà réalisé et a confirmé la volonté politique de maintenir la France en tête des déploiements numériques en Europe et de l'inscrire dans l'ambition de la Gigabit society à l'horizon 2025. Pour ce faire, « le plan de relance gouvernemental attendu en septembre doit contenir une part très forte sur le numérique, non seulement sur la généralisation des réseaux, mais aussi sur la prise en main et la maîtrise des usages, notamment de la part des entreprises ».
Une main tendue, qui rejoint celle d'Antoine Troesch, Directeur de l'Investissement de la Banque des Territoires, Groupe Caisse des Dépôts : « La Banque des territoires, déjà fortement mobilisée sur le financement des réseaux RIP (60%), apportera le financement nécessaire pour aller à l'objectif du 100% de THD ». Une ouverture pour mettre en place le fameux fond de filière, réclamé par la fédération InfraNum pour renforcer les fonds propres des acteurs du secteur et notamment des TPE/PME...
Face à ces engagements, Etienne Dugas se réjouit « Si tous les freins opérationnels sont levés - base adresse nationale, appuis communs, mode Stoc, colonnes montantes, emploi, etc., les objectifs 2022 sont encore atteignables. Le seront-ils ? »
Le 2 juillet, à l'occasion des Assises du THD (Maison de la Chimie - Paris), ce dernier présentera devant le ministre, son plan de relance pour la filière, c'est-à-dire les mesures précises et chiffrées intégrer dans le cadre du plan de relance gouvernemental, qui seul permettra d'atteindre les objectifs initiaux.
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