L'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) a confirmé vendredi cet effondrement inédit depuis 1949, date à laquelle il a commencé à mesurer l'activité économique française de façon trimestrielle.
Même après la chute de Lehman Brothers en 2008-2009 ou la grève générale de mai 1968, la chute n'avait pas été aussi brutale.
Après un recul du PIB de 5,9% entre janvier et mars, la France est donc officiellement entrée en récession à l'issue du premier semestre.
Parce que le confinement y a été plus strict et en raison de la spécialisation sectorielle de l'économie (tourisme et aéronautique), la France fait moins bien que l'ensemble de la zone euro (-12,1%) et a fortiori que l'Allemagne, où le recul est limité à 10,1%. Mais l'Espagne a subi un recul de 18,5% et le Royaume-Uni de 20,4%.
Si la levée progressive des restrictions a conduit à "une reprise graduelle de l'activité économique aux mois de mai puis de juin, après le point bas atteint en avril", le trimestre porte les stigmates de l'obligation imposée aux Français de rester chez eux: les dépenses de consommation ont ainsi chuté de 11,5%.
Après avoir bondi à la sortie du confinement (+35,5% en mai et +10,3% en juin), les achats se sont stabilisés en juillet (+0,5%), avec une prime pour la consommation de carburants, en forte hausse, au détriment des dépenses en habillement-textile qui progressent plus faiblement.
La consommation des ménages retrouve ainsi "quasiment" son niveau de novembre 2019, selon l'Insee, mais "on n'a pas eu de véritable rattrapage, au sens où on continue d'accumuler des pertes", selon Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et Prévision de l'OFCE. Dès lors, "on ne peut pas parler de reprise, mais d'un simple rebond" de l'activité.
"mourir riche"
Cette frilosité à dépenser, alors que les revenus ont été préservés par les mesures de chômage partiel, se mesure au gonflement de l'épargne, dont le taux a augmenté de 12 points pour s'établir à 27,4% au deuxième trimestre. Depuis mars, les Français ont mis de côté environ 100 milliards d'euros.
Le plan de relance de 100 milliards d'euros, dont le contenu sera dévoilé jeudi, "devra remettre dans le circuit cette épargne excessive en rassurant sur l'emploi", note Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management.
"Comment on mobilise cette épargne pour soutenir l'économie? C'est la grande question. Le plan de relance est censé faire repartir la machine mais il ne comporte pas de mesure ciblée sur l'épargne comme en Allemagne", qui a décidé de baisser la TVA pendant six mois, relève Mathieu Plane.
"Le gouvernement préfère donner un message de confiance, inciter les Français à dépenser, mais est-ce que cela sera suffisant? Le risque est de mourir riche", ironise l'économiste.
D'autant que le fragile optimisme qui prévalait depuis le déconfinement risque d'être mis à mal par la recrudescence de l'épidémie, qui a conduit à imposer le port du masque à Paris ou Marseille et dans les entreprises.
Cette semaine, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a confirmé la prévision du gouvernement d'une contraction du produit intérieur brut (PIB) de 11% cette année, alors que l'Insee table sur -9%. Cette prudence s'explique notamment par "beaucoup d'incertitudes internationales", a-t-il justifié, citant le Brexit, l'élection présidentielle américaine et le futur plan quinquennal chinois.
A plus long terme, le PIB ne devrait retrouver son niveau d'avant-crise qu'en 2022, où une croissance de 1,4% est attendue.