Un lieu chargé d'histoire
Situé sur la petite commune de Thiverval-Grignon (1.100 habitants) dans les Yvelines, le domaine de Grignon, est occupé par l'école d'ingénieurs agronomes AgroParisTech et par des chercheurs.
Donné par Henri II à sa favorite Diane de Poitiers au XVIè siècle, il s'étend sur 290 hectares.
Il comprend un château du XVIIème siècle inscrit au titre des monuments historiques. Le domaine comprend aussi 130 hectares de terres agricoles, dont une ferme expérimentale, et plus de 133 hectares de bois.
En 1826, le roi Charles X achète le domaine et le dédie à l'agronomie et à l'enseignement des pratiques agricoles. C'est resté la vocation du site jusqu'à ce jour.
Déménagement à Saclay
La cession du domaine s'inscrit dans le projet de création d'un "grand pôle d'excellence scientifique" sur le campus de Paris-Saclay regroupant AgroParisTech et des laboratoires de l'Institut de recherche Inrae, souligne le ministère de l'Agriculture.
Pour mener à bien cette nouvelle installation, décidée en 2015, les différents sites franciliens d'AgroParisTech sont vendus dont Grignon. Le déménagement est prévu en 2022.
En 2015-2016, le gouvernement avait déjà envisagé de céder Grignon au PSG qui cherchait un site d'entraînement. Cela avait suscité une levée de boucliers et le projet avait été abandonné.
Appel d'offres
Si leur déménagement à Saclay n'est pas remis en cause par les étudiants, le lancement de l'appel à projets en mars 2020 a suscité des inquiétudes. Les élèves ont bloqué le domaine pendant trois semaines.
Dans une tribune en mai dans le JDD, plus de 170 scientifiques, dont la climatologue Valérie Masson-Delmotte, ont estimé que les critères de sélection faisaient "planer de grandes menaces sur l'intégrité du domaine et la préservation de ses patrimoines exceptionnels".
Les signataires soutiennent un projet, "Grignon 2026", qui entend faire du site un "Centre international sur la transition alimentaire et agricole". Il est porté par l'Association Patrimoine AgroParisTech-Grignon 2000, qui réunit des anciens élèves de l'Agro, avec le soutien de la communauté de communes Coeur d'Yvelines (31 communes).
Choix d'un projet "réaliste"
Le comité de sélection de la Direction Immobilière de l'Etat a retenu le 4 août le projet d'Altarea Cogedim, qui était en concurrence avec un autre promoteur et avec Grignon 2026.
"C'est le choix d'un projet réaliste et fiable", déclare à l'AFP le ministère de l'Agriculture, dont le patron actuel Julien Denormandie est un ancien de l'"Agro".
Le ministère n'a pas souhaité communiquer le montant de la vente.
"Au coeur de l'Etat, l'Etat brade Grignon et reste sourd à un projet d'intérêt général concernant le changement climatique", ont déploré les porteurs de Grignon 2026, en révélant le 11 août le choix de l'Etat.
Dans le projet Altarea, le château accueillera des séminaires et des événements. Le promoteur a un programme résidentiel, avec réhabilitation des bâtiments et nouvelles constructions. Il veut aussi offrir une "programmation touristique responsable".
"Le domaine va être démantelé", déplore Mathieu Baron, délégué général de l'association Patrimoine AgroParisTech Grignon 2000.
Altarea confiera la gestion des 133 hectares de bois au conseil départemental des Yvelines, qui en deviendrait propriétaire, selon le ministère. Il laissera l'exploitation de la ferme expérimentale aux étudiants d'AgroParisTech.
Riposte en préparation
L'association Grignon 2000 "étudie la possibilité de recours auprès du tribunal administratif", a indiqué à l'AFP Mathieu Baron.
La maire (sans étiquette) de Thiverval, Nadine Gohard, a souligné que le projet d'Altarea supposait de changer le plan local d'urbanisme (PLU). "Je ne le ferai pas", a-t-elle assuré dimanche à l'AFP.
Avec Grignon 2026, "certes l'Etat aurait ramassé un petit peu moins d'argent mais le projet était sûr financièrement et juridiquement", dit-elle.
Les défenseurs de Grignon 2026 comptent aussi sur le soutien d'associations de défense du patrimoine.
"Nous continuerons à nous battre pour la sauvegarde du domaine de Grignon et nous ne serons pas les seuls", écrit Didier Ryckner de la Tribune de l'Art.