La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l'ancien vice-président syrien, aujourd'hui âgé de 85 ans, rendant définitive la peine d'emprisonnement et la confiscation des biens prononcées à Paris en première instance le 17 juin 2020, puis en appel le 9 septembre 2021.
Rifaat al-Assad a été reconnu coupable de blanchiment en bande organisée de fonds publics syriens et de blanchiment de fraude fiscale aggravée entre 1996 et 2016. Il a en outre été condamné pour le travail dissimulé d'employés de maison.
La présidente de l'association Sherpa, dont la plainte a entraîné l'ouverture de l'instruction en 2014, a salué une "décision historique".
"Quand nous avons initié cette procédure il y a presque 10 ans, le scepticisme, y compris des magistrats, était grand. La preuve est faite que plus de 30 ans après des détournements massifs d'argent public, leurs bénéficiaires, les blanchisseurs, ne sont plus à l'abri", s'est félicité Me William Bourdon, président fondateur de l'ONG.
"Nous ne pouvons que déplorer cette décision qui nous apparaît totalement injuste et incompréhensible", ont réagi une partie de l'équipe de défense, Me Jacqueline Laffont, Pierre Cornut-Gentille, Benjamin Grundler et Julien Visconti.
"Monsieur al-Assad continuera à mener toute action visant à rétablir la vérité au sujet de l'origine parfaitement licite de son patrimoine en saisissant notamment la Cour européenne des droits de l'Homme", ont-ils déclaré.
Ancien pilier du régime de Damas, Rifaat al-Assad a été le chef des forces d'élite de la sécurité intérieure, les Brigades de défense, qui ont notamment réprimé dans le sang une insurrection islamiste en 1982 dans la ville de Hama. Cela lui a valu un surnom, "le boucher de Hama".
En 1984, il a quitté la Syrie après un coup d'État manqué contre son frère, Hafez al-Assad, rejoignant la Suisse puis la France, où il se présentait depuis comme un opposant au régime. A l'automne 2021, l'octogénaire est retourné en Syrie après 37 ans d'exil, a annoncé un média progouvernemental.
Restitution des avoirs
Rifaat al-Assad n'a pas assisté à ses deux procès, sa défense invoquant de graves problèmes de santé. Ses avocats ont soutenu que sa fortune provenait de dons d'Abdallah, prince héritier puis roi d'Arabie saoudite, et non des caisses de l'État syrien.
La justice française a au contraire estimé qu'il existait suffisamment d'éléments pour conclure qu'il avait bien reçu 300 millions de dollars de la part de son frère au moment de son départ en 1984, dans le cadre d'un "exil négocié".
Décoré de la Légion d'honneur en France en 1986 pour "services rendus", Rifaat al-Assad est menacé d'un procès en Espagne pour des soupçons bien plus vastes concernant un patrimoine évalué à 600 millions d'euros.
Il est par ailleurs poursuivi en Suisse pour des crimes de guerre commis dans les années 1980.
Dans ce dossier, deux hôtels particuliers, des dizaines d'appartements dans les quartiers cossus de la capitale, un domaine avec château et haras, des bureaux et une propriété à Londres ont, entre autres, été saisis.
Après la décision de mercredi, leur valeur devrait théoriquement être rendue à la Syrie dans le cadre du nouveau mécanisme de restitution des avoirs frauduleusement acquis par des dirigeants étrangers, adopté par le Parlement en 2021.
Transparency international, qui avait elle aussi porté plainte en 2014, s'est félicitée dans un communiqué "de cette condamnation définitive qui ouvre le chapitre de la restitution à la population syrienne".
Cette restitution, un défi de taille dans le contexte actuel du pays, pourrait être la première réalisée par la France, selon l'ONG, avant celle des biens confisqués à Teodorin Obiang.
Dans la première affaire de "biens mal acquis" jugée dans l'Hexagone, le fils aîné du président de la Guinée équatoriale a été définitivement condamné en juillet 2021 à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d'euros d'amende, pour un patrimoine estimé à 150 millions d'euros.