Gavin Smith, professeur de planification environnementale à l'université de Caroline du Nord, a travaillé pour plusieurs Etats américains après le passage d'ouragans, dont Katrina au Mississippi et Matthew en Caroline du Nord.
Selon lui, les normes de reconstruction actuelles ne sont pas à la hauteur des défis posés par le changement climatique, mais les corriger réclamera une réelle "volonté politique".
Question : Quelles sont les règles pour reconstruire après un ouragan, et sont-elles adaptées au changement climatique ?
Réponse : Les villes doivent respecter les normes en place localement avant que la tempête ne frappe.
Aux Etats-Unis, nous avons un programme national d'assurance pour les inondations (géré par l'agence fédérale chargée des catastrophes naturelles, la Fema, NDLR). Pour qu'une localité rejoigne le programme, elle doit adopter certaines normes de réduction des risques d'inondation. Cela inclut des normes de construction et d'aménagement du territoire.
Ensuite, si une maison est endommagée par une tempête à plus de 50% de sa valeur, elle doit être reconstruite en respectant ces codes.
La norme est de reconstruire dans l'optique d'une inondation tous les 100 ans, soit un risque de 1% par an. Mais à l'ère du changement climatique, cette "inondation centenaire" arrive de plus en plus souvent. La plupart des normes de réduction des risques reflètent souvent le climat du passé.
Par exemple, nous avons dépensé 14 milliards de dollars pour reconstruire le système de digues à La Nouvelle-Orléans (en Louisiane, NDLR) après l'ouragan Katrina. Il a été reconstruit selon le risque d'inondation de 1% par an. Donc on pourrait dire, à l'ère du changement climatique, que ces digues sont déjà obsolètes.
Q : Qu'attendez-vous des responsables politiques ?
R : Les désastres peuvent représenter des opportunités pour reconstruire de façon plus sûre.
Si nous continuons à dépenser des centaines de millions de dollars pour reconstruire ces villes, nous devons réclamer qu'elles adoptent de meilleures normes. Mais cela demande de la volonté politique, à la fois chez les membres du Congrès et chez les responsables locaux.
Ce sont des questions difficiles, se chiffrant à des milliers de milliards de dollars.
Vous aurez le secteur privé qui dira: "Il faut éviter ces réglementations, car nous devons reconstruire vite". Cela demande du courage politique pour un maire ou un gouverneur de dire: "Non, nous devons faire ce qui est judicieux sur le long terme".
Malheureusement, les gens ne sont pas élus en disant: "Je vais imposer des standards plus contraignants". Ce n'est pas un slogan gagnant. Il faut la volonté politique pour dire, ça suffit, nous devons adopter de meilleures normes, cela va prendre du temps, coûter plus cher, et les gens pourraient avoir à mettre la main au porte-monnaie.
Cela dit, nous devons aussi inclure de l'équité dans le développement de ces normes. Les pêcheurs de crabes, qui vivent dans de modestes maisons sur l'eau, si on adopte des normes plus contraignantes, pourront-ils payer ?
Q : A quoi ressembleraient de meilleures normes ?
R : Un moyen simple de réfléchir à cela est de parler du "où" et du "comment" construire face aux catastrophes naturelles, y compris celles exacerbées par le changement climatique.
Le "comment" inclut l'élévation des structures, des normes plus strictes de résistance au vent, comme de meilleures tuiles, le renforcement d'infrastructures --systèmes de communication, ponts, routes, digues... On peut aussi protéger les dunes naturelles.
Le "où" est ce que l'on appelle l'aménagement du territoire. Doit-on construire un hôpital ou une école dans une zone sujette à la montée des eaux ? Probablement pas.
Une ville peut choisir d'interdire de construire à moins de 200 mètres de la plage. Ou adopter une stratégie de désinvestissement dans les zones à fort risque. C'est très difficile politiquement, mais cela se fait à petite échelle.
La résilience, c'est une série de mesures protectrices. Si une digue est votre seule protection et qu'elle échoue, pour moi ce n'est pas de la résilience.