Issu de la Convention citoyenne et inscrit dans la loi Climat de 2021, l'objectif ZAN, qui vise "autant de surfaces renaturées qu'artificialisées" à mi-siècle, achoppe dans sa mise en oeuvre.
Avec 6,4% de sols artificialités, 57% de plus qu'au Royaume-Uni rapportés à la population, la France connaît pourtant un rythme d'artificialisation soutenu, avec à la clé des conséquences néfastes sur la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique.
Adoptée cet été, une loi visant à "faciliter la mise en oeuvre" du ZAN a été complétée fin novembre par décrets.
On sait désormais quelles surfaces sont considérées comme artificialisées et quelle méthode appliquer pour décliner l'objectif localement. Mais le soufflé des critiques ne retombe pas.
"Les nouveaux décrets sont ubuesques, on atteint des sommets de technocratie inapplicable", a réagi auprès de l'AFP le président d'Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez.
Se présentant comme le porte-voix de la ruralité, l'élu LR a lancé fin septembre une fronde anti-ZAN en retirant sa région d'un processus qui impose aux régions d'intégrer l'objectif de sobriété foncière dans leurs schémas d'aménagement d'ici novembre 2024.
"Alerter"
"Il ne s'agit pas de ne pas appliquer la loi" mais "d'alerter en tant qu'élu, quand on a la conviction qu'une loi mal faite et mal conçue aboutira à des conséquences catastrophiques", explique M. Wauquiez.
Il redoute ainsi une "explosion mécanique des prix de l'immobilier" et assure que les territoires ruraux ne pourront plus accueillir de nouvelles populations ou activités.
En soutien, une tribune d'élus LR publiée dans le JDD accuse le gouvernement d'être "resté sourd aux demandes des élus" et d'"imposer la pression de la norme unique".
La nouvelle loi aurait même, selon eux, introduit "de nouvelles contraintes et incertitudes" en ce qui concerne "l'impact des grands projets nationaux sur le foncier disponible pour l'artificialisation".
Un arrêté doit encore déterminer la liste de ces grands projets retenus, qui correspondent à un "forfait national" de 12.500 hectares dont 10.000 seront mutualisés entre régions hors Paris, Corse et Outre-Mer.
Or, cette liste pourrait changer bien des calculs.
L'Association des maires de France (AMF), qui a contribué à la rédaction des décrets, se dit "globalement satisfaite".
S'il reconnaît "des avancées", son premier vice-président André Laignel ne manque pourtant pas de qualifier le résultat de "summum technocratique", critiquant la mise "sur le même plan d'un mètre carré de logements et d'un mètre carré de parkings".
Les maires ruraux, fortement opposés à la méthode "verticale et comptable" du ZAN, accusée de "mettre sous cloche" les campagnes, ne sont pas non plus satisfaits.
"Compromis"
S'ils ont obtenu la "garantie rurale" d'un hectare à urbaniser par commune, mutualisable avec d'autres communes, cette dernière nécessite d'avoir un document d'urbanisme.
"Il va y avoir des tensions", avertit Sébastien Gouttebel, de l'Association des maires ruraux de France, qui voit déjà des communes rurales "pressées par d'autres d'abandonner leur fameux hectare".
Du côté des intercommunalités, on est plutôt sceptique. "La loi est mauvaise, alors on dit +faisons une autre loi+ mais sans changer la méthode", commente Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France.
A l'inverse, les élus des grandes villes évoquent un "texte de compromis" et "ne souhaitent pas refaire le match" même s'ils "s'arrachent parfois les cheveux".
Les plus satisfaits sont les élus des villes moyennes, favorables à "tout ce qui peut freiner l'étalement urbain et ramener des habitants en centre-ville".
En réponse à Laurent Wauquiez, une tribune publiée dans Le Monde d'élus "allant de la gauche à Horizons" estime que "le ZAN oblige à être innovant pour abandonner le bétonnage facile". "Notre message c'est +il faut s'y mettre+", résume un signataire, Jean-François Debat (PS).
"Le ZAN a été traité de façon très politique avec des acteurs qui ont soufflé sur les braises", regrette Thierry Repentin (DVG), autre signataire, "la société, qui a voulu cette loi, est parfois en avance sur les élus".