Les résultats montrent, sans surprise, un fort impact de la crise sanitaire sur l'activité avec des prévisions attendues pour cette année à - 8 % pour les granulats et à - 10 % pour le béton prêt à l'emploi (BPE). En 2021, l'environnement économique et institutionnel resterait trop pesant pour envisager un rebond marqué des productions. L'activité BPE et granulats peinerait à dépasser les niveaux de 2020 et demeurerait encore très en deçà de ceux de 2019.
Le Covid-19 a bousculé toutes les prévisions
Alors que les indicateurs d'activité sur le début d'année 2020 semblaient plutôt bien orientés avec un certain raffermissement de la production de matériaux, l'arrivée de l'épidémie de Covid-19 a causé un choc sans précédent pour toute l'économie française. La filière « carrières et matériaux » n'a pas été épargnée et a subi une baisse très significative de son activité. En avril 2020, mois le plus impacté, les volumes se contractaient de près de 60 % par rapport à avril 2019 pour les granulats et de 70 % pour le BPE.
L'annonce du déconfinement au mois de mai s'est traduite par un rebond de l'activité durant l'été avant que le mois d'octobre ne vienne tempérer ce mouvement de rattrapage.
L'activité des granulats a cependant regagné près de 35 % au troisième trimestre par rapport au deuxième trimestre et + 4,3 % au regard du troisième trimestre de 2019. Néanmoins, en cumul sur douze mois, les productions de granulats affichent encore un recul de - 7,9 % (CVS-CJO).
Du côté du BPE, sur la même période, la production a grimpé de 45 % par rapport aux trois mois précédents et de 6 % par rapport à la même période de l'an passé. Mais, au cours des douze mois, les livraisons de BPE accusent toujours une baisse de - 11,2 %.
2020, un bilan en net repli
En dépit du rebond rapide et vigoureux des livraisons de matériaux à la sortie du confinement, les pertes de productions entre mars et mai ne seront pas comblées. Le deuxième confinement, qui a certes permis la poursuite des chantiers du BTP, impactera quand même à terme le secteur via ses effets délétères sur la croissance et la confiance des agents économiques.
L'année 2020 devrait donc se solder par une contraction de l'activité d'environ - 8 % pour les granulats et de - 10 % pour le BPE (en données brutes).
Les livraisons de BPE s'inscriront ainsi 5 % en deçà de leur moyenne des 10 dernières années, à 36,3 millions de m3.
Quant à la production de granulats, elle atteindrait les 326 millions de tonnes, soit un niveau de 10 % en dessous de la moyenne de ces 10 dernières années (358 millions de tonnes), une décennie pourtant marquée par la crise financière de 2008. Cette période de crise s'est également accompagnée d'une nouvelle approche de satisfaction des besoins en granulats avec notamment l'essor de la production de matériaux recyclés mais aussi de leur valorisation directement sur les chantiers. De sorte que les niveaux de production sont devenus aujourd'hui structurellement plus bas qu'il y a 20 ans. D'ailleurs, en 2020, la quantité de granulats extraits atteindra son plus bas niveau historique depuis 40 ans.
Pas de vrai rebond attendu en 2021
Après cette année 2020 que l'on peut qualifier de « hors-norme », avec une activité mise entre parenthèses pendant plusieurs mois, plusieurs facteurs pourraient permettre de retrouver des chiffres en progression : plans de relance, besoins en logements, en investissements de renouvellement ou d'entretien des infrastructures, poursuite des projets des opérateurs privés…, le tout sur fond de crise sanitaire davantage sous contrôle. Mais les pesanteurs restent nombreuses, et les professionnels du secteur témoignent leurs inquiétudes : près de 90 % des chefs d'entreprises s'attendent à une baisse ou à forte baisse d'activité dans les 6 prochains mois (enquête d'opinion UNICEM - novembre 2020).
Bâtiment : les carnets se vident
Si les mises en chantier de logements ont bien observé un rebond depuis le premier déconfinement, ce n'est pas le cas pour les permis qui restent plombés dans le segment du résidentiel comme dans celui du non résidentiel. De même, le marché du logement neuf ne montre aucun rattrapage des transactions au troisième trimestre et les promoteurs demeurent inquiets sur l'évolution de la demande.
La crise sanitaire, qui s'est doublée d'une crise économique et sociale, a introduit de nouveaux paramètres dans l'équation de la demande de matériaux : les risques de faillites d'entreprises, la crainte du chômage, les pertes de pouvoir d'achat des ménages, mais aussi les bouleversements dans les modes de consommation et de travail sont autant de facteurs qui modifient les comportements d'investissement immobilier des entreprises et des ménages et tirent les carnets de commandes de la filière bâtiment vers le bas.
En d'autres termes, si la reprise des chantiers actuels de logements est alimentée par les commandes d'avant crise, les carnets eux ne se remplissent plus.
Travaux publics : en attente des commandes
Au-delà des effets délétères du double-confinement, le contexte pour les travaux publics pâtit également de facteurs négatifs. Entre séquences de confinements et calendrier électoral rallongé, les collectivités locales peinent à se mobiliser pour relancer des appels d'offre. Dans ce contexte, l'affectation des crédits du plan de relance en travaux risque fort de prendre du retard et de s'étaler dans le temps alors que la situation exigerait une traduction rapide des annonces.
L'UNICEM alerte également les pouvoirs publics sur la nécessité d'actionner le levier de la commande publique afin de réamorcer l'activité dans les territoires et de privilégier l'approvisionnement en ressources locales pour soutenir l'emploi et le développement économique.
Dans ce contexte, le potentiel de rebond de l'activité resterait très contraint en 2021, se limitant au maximum à + 4 % pour les granulats et étant quasi-nul pour le BPE. Les niveaux de production de 2021 s'établiraient ainsi bien en deçà de ceux de 2019 autour de - 5 % pour les granulats et de - 10 % pour le BPE.
Au-delà de ces perspectives peu encourageantes, l'UNICEM alerte aussi sur certains freins qui pourraient encore davantage brider la relance potentielle du secteur.
RE2020 : des annonces brutales à même de déstabiliser la filière
À la suite des récentes annonces des Ministres Barbara Pompili et Emmanuelle Wargon autour de la Réglementation Environnementale des Bâtiments (RE2020), la fédération fait part de ses interrogations sur leurs conséquences potentielles à court et moyen termes sur l'activité de la filière. Les risques de perturbations sont réels alors même que celle-ci s'inscrit depuis plusieurs années dans un cercle vertueux d'économie circulaire, avec une prise en compte des enjeux du développement durable du secteur de la construction sous le prisme de l'analyse du cycle de vie global des matériaux utilisés.
De plus, les chefs d'entreprise sont particulièrement inquiets sur la possible institutionnalisation d'une distorsion de concurrence entre matériaux. Pourtant, la filière prône depuis de longues années la mixité des matériaux, avec une approche qui repose, notamment, sur l'utilisation du bon matériau au bon endroit.
L'industrie des carrières et matériaux extrêmement inquiète du manque de visibilité quant à la future filière de responsabilité élargie du producteur (REP) prévue au 1er janvier 2022
L'économie circulaire est depuis longtemps une réalité au sein de la filière minérale. Aujourd'hui, le secteur des industries extractives et des matériaux de construction est un acteur majeur et reconnu en matière de recyclage et de valorisation matière des déchets inertes.
Cette constante mobilisation a permis de dépasser, dès 2018, le seuil des 70 % de taux de valorisation fixé par l'Union européenne pour 2020. Les déchets inertes du bâtiment (33,5 millions de tonnes) sont ainsi déjà valorisés à hauteur de plus de 80 %, grâce à un maillage de 1 500 plateformes exploitées par les adhérents de l'UNICEM et réparties sur l'ensemble du territoire. Du fait que la loi AGEC fixe pour principe que les déchets de construction ou de démolition soient repris sans frais lorsqu'ils font l'objet d'une collecte séparée, un éco-organisme devrait être créé pour financer cette collecte séparée des déchets inertes par le prélèvement d'une éco-redevance sur les produits et matériaux de construction. Cela conduirait à une ponction économique très importante des industriels de la filière minérale, de plus de 380 millions d'euros par an, sans équivalent au niveau des REP déjà existantes sur les acteurs économiques et sans que les conséquences en aient été correctement étudiées.
A l'heure où l'ADEME doit présenter les résultats de son étude de préfiguration de cette future filière REP, l'industrie des carrières et matériaux n'a pas l'assurance d'être écoutée, d'autant plus que la reprise gratuite ne permettra pas de répondre à la problématique des dépôts sauvages et installations illégales. Les dépôts sauvages sont principalement le fait de particuliers ou d'entrepreneurs peu scrupuleux ou exerçant leurs activités dans des conditions illégales (travail dissimulé).