Le 15 avril, la guerre a éclaté entre l'armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo.
Dès les premières heures, la capitale a été coupée de tout: son aéroport a été bombardé, les serveurs centraux des banques ont été arrêtés et les administrations ont été fermées ou incendiées. Rapidement ensuite, la plupart de ses usines ont été pillées ou bombardées.
Les étrangers à la recherche d'une voie de sortie ont foncé vers la côte, à 1.000 kilomètres à l'est de Khartoum, dans la ville de Port-Soudan.
L'ONU et les ministres arrivés au pouvoir après le putsch de 2021 ont pris leurs quartiers dans ses immenses bâtiments coloniaux blancs.
Le général Burhane, chef de facto du Soudan, y siège désormais après avoir fui le QG de l'armée, l'un des plus grands complexes de Khartoum, sous le feu incessant des paramilitaires.
Les combats qui touchent désormais de nombreuses villes, mais principalement Khartoum et le Darfour (ouest), tuent toujours chaque jour.
La capitale et ses banlieues --Omdourman où se trouve le Parlement et Khartoum-Nord où se concentrent les rares industries du pays--, séparées par le Nil, concentraient toutes les infrastructures vitales du pays, rappelle à l'AFP l'urbaniste Tariq Ahmed.
Quand elle a été touchée, "les banques, les entreprises, les rouages de l'Etat" l'ont tous été aussi.
Eau, électricité, routes
"La guerre dure et la vie ne peut pas s'arrêter, il faut donc trouver un (autre) siège d'où gérer les affaires de tous", explique Oumaïma Khaled, analyste économique à l'AFP.
L'alternative à Khartoum, fondée en 1821, était toute trouvée, en apparence.
"Port-Soudan est géographiquement éloignée de la guerre et ouverte sur le monde avec son aéroport et son port" sur la mer Rouge, dit Mme Khaled. Elle est, de fait, "le deuxième carrefour commercial du pays et peut tout à fait être une capitale économique".
Mais reste un défaut de poids: Port-Soudan "est situé à 3.000 km de la frontière occidentale et à 2.500 km de la frontière sud dans un pays qui manque cruellement de routes et de moyens de transport", souligne l'économiste.
Hind Saleh, qui habite à Port-Soudan a aussi d'autre doléances, qui se sont multipliées avec l'arrivée massive des déplacés.
"Nous manquons d'eau potable et d'électricité", dit-elle à l'AFP.
Un problème récurrent au Soudan, reconnaît l'ingénieur Fathi Yassine, qui a pu jusqu'ici être plus facilement contourner à Port-Soudan qu'ailleurs.
Créée en 1905 par le colonisateur britannique en remplacement du port historique de Souakin, à 60 km de là, la ville "plus récente que les autres, a un meilleur plan d'urbanisme et bénéficie d'un meilleur réseau d'infrastructures, notamment routières", détaille-t-il.
Réchauffement climatique
Mais si elle devenait réellement capitale et voyait un afflux de population et de projets économiques ou industriels, cela changerait radicalement la donne.
Car, contrairement aux villes du centre qui puisent dans l'eau du Nil, Port-Soudan dépend des pluies pour sa consommation hydraulique.
Et le raccordement au Nil que réclament de longue date ses habitants nécessiterait des tuyaux de 500 kilomètres de long, une dépense impossible pour le pays.
Une autre ville fait valoir sa centralité et son raccordement au sommaire réseau routier qui quadrille le Soudan: Wad Madani, à 200 km au sud de Khartoum.
Ce carrefour agricole fertile où nombre des déplacés de Khartoum ont trouvé refuge ces derniers mois a servi de garnison de base pour les troupes de Méhémet Ali, le fondateur de l'Egypte moderne en expédition au Soudan.
Déjà, assure le gouverneur par intérim Ismaïl Awadallah, "17 grosses sociétés discutent de leur relocalisation et même de leur expansion à Wad Madani".
Mais toutes ces villes pourront-elles faire face à la croissance démographique et au changement climatique ?
Selon l'ONU, la population du pays aura doublé en 2050.
Surtout, d'ici la fin du siècle, le Nil aura perdu une bonne part de son débit et Khartoum sera l'une des cinq villes d'Afrique où la chaleur sera devenue la plus mortelle.