Des grandes artères avec deux fois moins de voitures qu'en temps normal, des petites rues où piétons et vélos cohabitent sans presque se soucier de la présence de véhicules... Cette vision, déjà une réalité sur la rue de Rivoli depuis la fin du premier confinement, doit se généraliser d'ici la mi-2022 avec l'instauration de la "zone apaisée Paris Centre et Saint-Germain".
Tel est en tout cas le projet de cette "zone à trafic limité" (ZTL) que la majorité de gauche veut mettre en place à l'issue d'une concertation publique débutée mercredi et qui doit s'étendre jusqu'à octobre.
"Il n'est pas question de supprimer tout le trafic" ni d'instaurer un péage urbain comme à Londres, prévient David Belliard, l'adjoint EELV chargé de la transformation de l'espace public à la manoeuvre. "Les riverains, les personnes à mobilité réduite, les taxis, les artisans et commerçants du quartier, etc. pourront continuer à y accéder", assure l'élu écologiste.
"Rôtis ou bouillis ?"
En revanche, tous les véhicules qui passent par le cœur de la capitale sans s'y arrêter - le "trafic de transit" - devront emprunter un autre itinéraire ou un autre moyen de transport. Quid des deux-roues et des VTC, ou encore des cars de touristes ?
La consultation doit permettre de trancher mais pour Aurélien Véron, porte-parole du groupe d'opposition LR Changer Paris, elle est "jouée d'avance": Anne Hidalgo "demande aux automobilistes s'ils veulent être mangés rôtis ou bouillis".
La concertation doit aussi permettre de déterminer les modalités d'accès à la ZTL. Outre une adaptation de la signalétique, la mairie envisage de "limiter le nombre d'accès possibles" en changeant par exemple les sens de circulation, explique David Belliard à l'AFP.
Pour faire respecter les règles, la création de la police municipale parisienne tombe à pic, souligne le maire de Paris Centre, Ariel Weil, qui a fait de la suppression du trafic de transit un étendard de sa campagne en 2020 avec le slogan "Paris Centre n'est pas un raccourci".
L'élu socialiste espère que la mesure entraînera un renoncement à la voiture ou à traverser Paris, et donc une "réduction mécanique du trafic dans les arrondissements voisins", là où la maire divers droite du Ve arrondissement Florence Berthout s'inquiète d'une "embolisation du trafic" à l'extérieur de cette zone.
"Ceux qui vont payer, c'est ceux qui sont en périphérie ou, intra muros, aux entrées de Paris", déplore-t-elle auprès de l'AFP.
Les berges, "pari gagné"
Pour Aurélien Véron, le "passage en force" d'Anne Hidalgo pourrait aussi lui valoir "des mouvements citoyens de colère à Paris et en banlieue", notamment des VTC et des deux-roues s'ils sont exclus de la zone.
Pas la colère des élus de droite, pour l'instant: l'élargissement de la ZTL à des morceaux d'arrondissements de la rive gauche (Ve, VIe et VIIe) qu'ils dirigent prouve bien, selon Ariel Weil, "qu'au-delà des postures politiques, il y a un soutien fort à ces mesures. Si on propose ce périmètre, c'est qu'ils ont dit +d'accord+".
Un climat pour l'heure bien différent du long bras de fer politique et juridique qui avait marqué le premier mandat d'Anne Hidalgo autour de la fermeture à la circulation des voies sur berges de la Seine. "Un pari gagné", reconnaît M. Véron, qui préfère cette fois "discuter" pour "essayer de trouver des modalités et limiter la casse".
Alors que Mme Hidalgo pose les jalons d'une éventuelle candidature à la présidentielle de 2022, son projet pour le centre de Paris "est un peu un quitte ou double", estime l'opposant. "Elle est dans l'ornière dans les sondages et se dit qu'il faut peut-être tenter sa chance pour avoir l'image d'une réformatrice très ambitieuse."
Pour Ariel Weil, "ce qu'on pourra juger, c'est de la volonté de la maire de Paris de ne rien céder sur son programme et sur son volontarisme en matière de transition" écologique.