Fin 2019, le gendarme français de la Bourse, l'Autorité des marchés financiers (AMF), avait infligé une sanction de 5 millions d'euros à l'agence américaine spécialisée dans l'information économique et financière pour avoir relayé la teneur d'un faux communiqué de presse concernant le groupe français de BTP Vinci.
L'agence américaine avait déposé un recours en annulation contre la décision du gendarme de la Bourse en février 2020 et avait plaidé sa bonne foi en mai 2021 devant la Cour d'appel de Paris.
Cette demande d'annulation de la décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a été rejetée par la Cour d'Appel de Paris, qui a cependant réformé le montant de la sanction en tenant compte de "la réactivité de Bloomberg pour interrompre puis supprimer la diffusion des dépêches en cause et publier ensuite une série de rectificatifs et démentis".
"Nous espérions que la Cour reconnaisse les questions en matière de liberté de la presse que soulève cette affaire. Nous regrettons que la Cour n'ait pas réformé la décision de la Commission des sanctions et évaluons l'opportunité d'un recours", a réagi Bloomberg dans un communiqué.
Bloomberg avait été le premier média à publier en novembre 2016 l'information erronée sur la base d'un communiqué frauduleux qui avait annoncé la révision des comptes consolidés du groupe Vinci en raison de prétendues irrégularités ayant entraîné une perte nette et le prétendu licenciement de son directeur financier.
Trois autres agences de presse dont l'allemande DPA, la britannique Reuters, l'américaine Dow Jones ainsi que le journal les Echos s'étaient fait piéger, mais Bloomberg est le seul media à en faire les frais.
Ses journalistes du "Speed Desk", un service dédié au traitement de l'information financière en temps réel, s'étaient très vite rendu compte de la supercherie puisque moins de 10 minutes s'étaient écoulées entre la diffusion de la première dépêche et les premiers rectificatifs.
Un laps de temps très bref mais suffisant pour faire plonger le cours de l'action Vinci de 18,28% avant de se redresser pour clôturer en baisse de 3,78%. Un préjudice évalué par l'AMF à 6,5 millions d'euros pour les investisseurs.
Vinci avait publié un démenti officiel sur son site internet un peu moins d'une heure après la première dépêche et annoncé porter plainte contre X dès le lendemain.
Impostures en série
Ni l'AMF, ni le Parquet national financier saisi par Vinci n'ont pu identifier les auteurs du faux communiqué qui l'avaient mis en ligne sur un site miroir du groupe (vinci.group) imitant le vrai (vinci.com), poussant le vice jusqu'à le signer du nom du véritable responsable des relations presse de Vinci, en renvoyant à un faux numéro de téléphone.
L'AMF estime que l'agence, très suivie par les salles de marché et la presse financière, aurait dû savoir que les informations étaient "fausses et susceptibles de fixer le cours du titre Vinci à un niveau anormal et artificiel" en procédant à une vérification même sommaire.
"Les journalistes ne sont pas infaillibles", a rappelé à l'AFP Dominique Pradalié, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes, saluant que la Cour d'Appel ait pris "soin de ne pas faire peser l'erreur sur les journalistes mais sur l'intégralité de la chaîne et sur le diffuseur" dans cette affaire qui concerne à la fois la liberté de la presse et la protection des investisseurs.
Ce type d'impostures, qui empoisonne la presse financière et les entreprises cotées, ne cesse de prendre de l'ampleur: lundi, un communiqué frauduleux annonçant un partenariat entre le géant américain des supermarchés Walmart et le Litecoin a fait temporairement exploser le cours de cette cryptomonnaie d'environ 30%.
"Si en l'espèce, l'erreur de Bloomberg est évidemment regrettable, cet arrêt pourrait même être de nature à fragiliser davantage à l'avenir la position de ceux qui formulent des critiques avérées à l'encontre des émetteurs cotés", a commenté Dominique Stucki, associé au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel et spécialiste des affaires boursières.