C'est un immeuble faubourien, idéalement situé rue du Val-de-Grâce (Ve), qui cache une petite école dans sa jolie cour pavée.
Pas exactement l'image qu'on se fait du logement social, et pourtant: préemptés par la Ville de Paris et rénovés, ses 15 logements sont désormais gérés par le bailleur social Paris Habitat.
Ces dernières semaines, l'adjoint au logement Ian Brossat, dont l'équipe dépense "chaque année 140 millions d'euros pour racheter les immeubles, notamment dans un objectif de rééquilibrage territorial", a multiplié les inaugurations du genre.
"Quand les projets se passent bien dans les beaux quartiers, je m'en félicite", a commenté lors de cette inauguration la maire (DVD) d'arrondissement Florence Berthout, saluant une "très belle réhabilitation" et une "mixité jouée à fond".
Plus à l'ouest sur la rive gauche, le chantier de l'îlot Saint-Germain (VIIe) se poursuit. Cet ancien bâtiment du ministère de la Défense doit accueillir 254 logements sociaux fin 2023.
La Ville dirigée par Anne Hidalgo (PS) l'a racheté à un prix dérisoire – 29 millions d'euros pour 11.000 m2 habitables, soit 2.600 le m2 - grâce à la décote dite "Duflot", instaurée en 2013 et permettant à l'État de céder des terrains ou immeubles à bas prix pour y construire des logements.
Début 2020, le VIIe arrondissement tenu par Rachida Dati (LR) ne comptait que 2% de logements sociaux, pire score de la capitale. Les autres arrondissements de l'ouest, aux mains de la droite, restent sous la barre des 25%, des VIe et VIIIe (moins de 4%) aux XVIIe et XVe (près de 20%).
Mais "ce qui est très frappant, c'est la multiplication par trois, quatre, six des logements sociaux dans ces arrondissements" depuis 2001 et l'arrivée de la gauche à Paris, se félicite Ian Brossat.
Ils restent loin des arrondissements tenus par la gauche et situés à l'est: 42% de logements sociaux dans le XIIIe et le XIXe, 36% dans le XXe, 29% dans le XIVe...
Un effet Covid ?
"Nos maires ne s'opposent pas, comme on essaye de nous le faire croire, au logement social", affirme l'élue LR Valérie Montandon.
Dans le XVe, le maire LR Philippe Goujon veut ainsi des logements sociaux "réservés aux familles du XVe, qu'une part soit dédiée aux classes moyennes, qu'ils soient répartis dans différents secteurs et qu'un accompagnement social soit mis en place pour les familles en difficulté".
Le sujet est "moins clivant qu'il ne l'a été", estime Ian Brossat, pour qui un "discours d'opposition frontale au logement social est devenu inassumable".
L'adjoint se souvient des recours de riverains contre les 176 logements sociaux de la gare d'Auteuil (XVIe) qui ont fait prendre "dix ans de retard" au projet, finalement inauguré en 2016.
Mais depuis, "le covid est passé par là. Les gens qu'on loge, ce sont des première et des deuxième lignes: policiers, infirmières, assistantes maternelles, caissières", souligne l'élu communiste.
"C'est moins clivant parce que la Ville et M. Brossat ont évolué" avec une meilleure intégration des promoteurs privés, estime de son côté Florence Berthout.
Depuis le milieu des années 2000, chaque opération privée dans la capitale a dû comporter 25%, puis 30% de logements sociaux, explique Ian Brossat.
Outre la construction, l'autre bras armé de la mairie reste la préemption. Mais pour Florence Berthout, ces opérations "coûtent très cher à la ville" et "privent les bailleurs sociaux d'une manne indispensable à la rénovation des logements".
L'opposition LR reste elle opposée à ce que la Ville "s'attaque à la propriété privée", rappelle Geoffroy Boulard, maire du XVIIe arrondissement.
Avec bientôt 25% de logements sociaux dans la capitale, un seuil en vue pour 2025, "un Parisien sur quatre est protégé de la spéculation immobilière", a retenu Ian Brossat mercredi lors du conseil municipal.
Malgré ces efforts, Paris perd près de 10.000 habitants par an depuis une décennie. "Le prix du marché" empêche les classes moyennes d'accéder à un logement, déplore Ian Brossat qui vise désormais 30% de logements sociaux et 10% de logements "abordables" en 2035.