Bientôt, d'anciens bâtiments inoccupés de la SNCF vont être rasés pour construire 77 logements privés, une place et prolonger une rue. Les travaux sont en partie financés par une subvention de 975.000 euros allouée par l'Etat via le "fonds friches".
Ce fonds a été déployé dans le cadre du plan de relance économique du gouvernement. L'enveloppe, de 300 millions d'euros à l'origine, a été pérennisée début septembre et dotée de 350 millions supplémentaires.
Anciennes stations services, locaux inoccupés, usines désaffectées... L'ambition est de donner une seconde vie aux friches industrielles et commerciales disséminées aux quatre coins de l'Hexagone, dont le nombre est toujours inconnu mais qui se comptent par milliers.
A Noisy-le-Sec, cette manne est une bouffée d'air bienvenue. "Dans le domaine de l'aménagement, on court après toutes les subventions", soupire Olivier Sarrabeyrouse, maire communiste de la ville.
Une aide néanmoins limitée, estime Laurent Chateau, chargé de mission à l'Ademe, l'agence de la transition écologique qui coordonne une partie des appels à projets. Mais il concède la difficulté de déterminer quel montant déployer et où.
"Des friches, il y en a partout, et il s'en crée malheureusement tous les jours", poursuit M. Chateau.
Or reconvertir une friche induit parfois des coûts vertigineux, notamment pour des sites très pollués qu'il faut décontaminer.
Pour tenter d'équilibrer les comptes, les élus penchent alors souvent pour la construction de logements privés, plus rentable. A Noisy, c'est ce qui soutient financièrement la transformation des abords du canal de l'Ourcq.
Avec parfois à la clef des projets étonnants: 450 logements étudiants devaient ainsi voir le jour à 15 mètres de l'autoroute A86. Un projet stoppé par la nouvelle municipalité. "A la place, on veut un lieu d'activité, de loisirs, de culture. Mais ça ne fait pas rentrer d'argent dans les caisses", soupire M. Sarrabeyrouse.
Densification intérieure, étalement extérieur
Et pourtant, le besoin de logements est considérable dans des secteurs en tension comme la région parisienne. Pour concilier construction et écologie, l'Etat mise sur la densification du bâti, un objectif énoncé dans la loi Climat et Résilience qui prévoit "zéro artificialisation nette" de sols d'ici à 2050.
Dans cette optique, le "fonds friches" permet de donner une seconde vie à des terrains ou des bâtiments inutilisés, souvent au coeur des villes.
"Jusqu'à présent, on étendait sur les territoires agricoles. Maintenant, il faut s'intéresser à ce qu'il y a au sein de la ville", explique M. Chateau.
Guillaume Faburel, urbaniste et enseignant à SciencesPo Lyon, nuance pourtant: "Le processus de métropolisation que nous connaissons, c'est-à-dire le grossissement des grandes villes, est simultanément une densification intérieure et un étalement extérieur."
Paradoxal? Non. "Parce que la ville devient trop dense, des populations fortunées choisissent aussi d'aller habiter en périphérie pour avoir plus d'espace", explique M. Faburel.
Parallèlement, les populations les plus précaires doivent souvent quitter les quartiers réhabilités car les promoteurs répercutent sur le prix des logements les coûts parfois élevés engendrés par les travaux et l'acquisition des terrains.
Dans la commune historiquement ouvrière et cheminote de Noisy, c'est donc toute une partie de la population qui risque de devoir déménager si la réhabilitation des friches fait bondir les loyers.
Car ce ne sont pas les 975.000 euros reçus du fonds friches qui vont changer la donne dans la construction à Noisy, "l'une des trois communes de l'Est parisien les plus pauvres", souligne le maire de Noisy. L'élu regrette que cet argent "ne serve pas à construire du logement social", mais plutôt à développer le parc privé.
Pour Guillaume Faburel, la solution de l'équation réside dans la mise en place d'une "politique de plafonnement des loyers" et de construction de logements sociaux "pour répondre aux besoins".
Et ce, afin que les nouveaux éco-quartiers gagnés sur les anciennes friches ne soient pas réservés aux plus aisés.