La galerie de l'Arlequin, emblématique ensemble architectural du début des années 70 mêlant logements sociaux et co-propriétés, a obtenu le label "patrimoine du XXe siècle" en 2003, avant que les émeutes urbaines de 2010 ne ternissent son image.
Opposés aux démolitions envisagées dans le contrat liant la ville dirigée par l'écologiste Eric Piolle à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), certains de ses habitants avaient déjà lancé une pétition en 2016, qui avait recueilli 2.000 signatures mais était restée sans effet.
"L'idée du RIC a germé fin mars quand les +gilets jaunes+ ont manifesté jusqu'à la Villeneuve", le quartier où se trouve le grand ensemble, a raconté à l'AFP Marie Raffin, 66 ans, du collectif contre les démolitions.
Face au "diktat de l'Anru", les opposants ont fait valider en juillet l'organisation d'une consultation populaire par le Conseil citoyen, structure instituée par la loi Lamy pour faciliter le dialogue sur les questions urbaines dans les quartiers prioritaires, a expliqué David Bodinier, de l'Atelier populaire d'urbanisme de la Villeneuve.
En l'absence d'accès aux listes électorales, Louise (une retraitée qui souhaite rester anonyme) a bravé la canicule et "relevé les noms de toutes les boîtes aux lettres des 18 montées (entrées) de l'Arlequin" pour en constituer d'aussi fiables que possible.
Après une campagne d'information, le scrutin s'est tenu du 14 au 20 octobre avec le soutien des "gilets jaunes" et de l'association Droit au logement Isère (DAL 38).
Avec 526 votants sur les 2.276 personnes appelées à voter, les organisateurs se sont félicités d'un taux de participation de 23%, comparable à celui des élections européennes dans le quartier (22%).
A 70%, les habitants ont voté contre les démolitions. 25% étaient pour et 5% ne se sont pas prononcés. Forts de ce résultat, les organisateurs "demandent un avenant à l'accord de 2018 signé avec l'Anru qui acte l'opposition des habitants aux démolitions et demande la réhabilitation".
Jurisprudence
Mais "sur ce projet, les choses sont signées et enclenchées", constate Maryvonne Boileau, conseillère municipale (EELV), déléguée au projet de la Villeneuve, en relevant que 450 millions allaient être investis sur la métropole dans le cadre de la convention Anru-2.
L'élue regrette toutefois de n'avoir pu négocier "une réhabilitation totale". "On n'a pas réussi totalement ce qu'on voulait... mais ils ont des exigences de l'autre côté de la table", a ajouté Mme Boileau, soulignant que "la démolition est inscrite dans le règlement général de l'Anru".
Elle estime toutefois que ce RIC, même sans fondement légal, "va nous amener à porter la volonté des habitants lors de la négociation pour la clause de revoyure du contrat qui va débuter dès 2020".
Pas sûr que les habitants se satisfassent de cette réponse, à l'image de Daniel, habitant de la montée 10, dont une partie est promise à la démolition.
"Ce RIC démontre que les gens veulent continuer d'y habiter". D'autant que les solutions de relogement ne sont pas toujours jugés satisfaisantes par des habitants habitués à leurs grands duplex, lumineux et traversants.
Christelle, ex-locataire du 20, appelé à disparaître, a accepté un relogement au 40, par crainte de perdre son toit. Elle a perdu "15 mètres carrés au passage et n'a économisé que 10 euros de loyer".
D'autres se voient proposer des logements à 5 kilomètres de là, loin de leurs attaches, et de ce quartier bien desservi, entouré de commerces et d'équipements publics.
"Les locataires partis sont prioritaires au relogement mais cela se fait au détriment de ceux qui attendent un logement social", relève Raphaël Beth (DAL 38).
Lui espère que ce RIC fasse "jurisprudence". Tout comme les "gilets jaunes" qui entendent "capitaliser sur cette expérience pour la reproduire sur d'autres sujets".