Les messages alarmistes se multiplient alors que le marché de l’immobilier, notamment du neuf, traverse une crise sérieuse. Les opérateurs sont confrontés à des coûts de la construction qui se stabilisent, certes, mais à des niveaux relativement élevés. Les risques qui pèsent sur les marges des promoteurs ne sont pas à négliger. En face, les acquéreurs sont moins solvables du fait de la hausse des taux d’intérêt.
Une demande structurellement supérieure à l’offre
Prenons un peu de recul. Il faut se souvenir que le marché a traversé des crises bien plus importantes que celles-ci, dans les années 70 et 90, puis en 2007 avec la crise des subprimes. La crise que nous traversons est à relativiser au regard du niveau des transactions immobilières exceptionnel en 2021 et 2022, à plus d’un million par an, neuf et ancien confondus. Assister à une légère décrue est donc normal. C’est même plutôt sain. De même, la Banque Centrale Européenne (BCE) a dû se résoudre à relever fortement ses taux directeurs pour lutter contre l’inflation, mais ce mouvement devrait bientôt s’achever et il faut s’attendre à un retour vers des taux de crédit autour de 2 à 4% en 2024.
Sur une perspective longue, les fondamentaux du marché immobilier restent solides : la demande étant toujours supérieure à l’offre. On estime le déficit structurel à 500.000 nouveaux logements neufs par an en France. Quant à la demande de logements sociaux, elle explose avec 2,4 millions de personnes aujourd’hui sur liste d’attente d’un bien.
Vers un nouveau « quoi qu’il en coûte » de l’immobilier ?
Toutefois, à plus brève échéance, il faut s’attendre à un vrai trou d’air jusqu’à début 2024, avec une consolidation du marché à la clé et des risques de faillite chez les sous-traitants. Un attentisme qui, si rien n’est fait, va coûter cher et potentiellement se transformer en bombe sociale, sociétale et économique. Le secteur du bâtiment représente, en effet, 10% du PIB, 360.000 entreprises et 1,8 million de salariés. Le législateur devrait en prendre conscience et réagir très vite. Le Conseil national de la refondation doit donner un nouveau cap prochainement. Autrement, le risque est de voir une crise du pouvoir d’achat déborder sur l’immobilier pour aboutir à une crise du pouvoir d’habiter.
De nouveaux sous-segments de marché porteurs moins impactés par la crise
En attendant ce retour à la normal, il faut se concentrer sur de nouvelles opportunités en matière d’investissement immobilier, celles qui sont les moins corrélées aux aléas du marché et plus court-termistes. Avec des délais compris entre 18 et 36 mois, le crowdfunding reste le seul placement à court terme dans l’immobilier. Et contrairement aux idées reçues, il ne se limite pas à l’immobilier neuf et à la construction. Sa gamme d’investissements est plus large et surfe sur les tendances actuelles.
Ainsi, le financement de la rénovation énergétique, au cœur des préoccupations sociétales, se développe. En Île-de-France, par exemple, 60% du parc des bureaux est constitué de passoires énergétiques. Les évolutions législatives qui encadrent la transition énergétique ouvrent la voie à un nouveau marché, celui de la réhabilitation et de la rénovation de passoires thermiques. D’autant que les investisseurs institutionnels ont l’obligation d’investir un pourcentage de leur portefeuille en respectant les critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance) ou ISR (Investissement Socialement Responsable). Les particuliers eux cherchent à donner du sens à leurs investissements.
Idem pour le logement social qui s’acquiert en bloc auprès des bailleurs sociaux ou institutionnels. La Caisse des Dépôts de Consignations (CDC) vient d’ailleurs d’annoncer faire l’acquisition de 17.000 logements auprès d’opérateurs immobiliers.
Les résidences de service offrent également un gisement d’opportunités. Qu’il s’agisse des résidences étudiantes et des résidences-services seniors (RSS), la demande est forte sur ces sous-segments de marché.
Le crowdfunding offre donc des possibilités de diversification intéressantes et permet de patienter en attendant la stabilisation du marché immobilier. Son rendement à court terme ne se dément pas, avec un taux de rendement moyen de 9,4%** l’an dernier et des rendements peu ou prou similaires attendus en 2023, d’après les premières estimations de l’année. Il faut toutefois faire preuve de plus de vigilance et de sélection dans les programmes et leurs objectifs afin de limiter les taux de défaut qui peuvent être plus importants en 2024 que le 1% aujourd’hui constaté.
* Source : Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) - données au 25 mai 2023
** Les performances passées ne préjugent pas des performances futures
Tribune de Antoine Tillet, Directeur du pôle Relations investisseurs d’Homunity (Linkedin).