"Je veux arrêter les énergies renouvelables, parce que les énergies renouvelables ce n'est pas propre, et d'ailleurs ce n'est pas renouvelable", déclarait le 5 juin sur BFMTV Marine Le Pen qui veut bloquer le déploiement de l'éolien, terrestre et marin, pour miser largement sur le nucléaire.
A ce jour une éolienne terrestre dure une vingtaine d'années. Fondations incluses, elle est recyclable à plus de 90%, souligne l'Ademe, l'agence de la transition écologique, car faite de béton, acier, cuivre, aluminium. La difficulté porte encore sur les pales, composite de résine et de fibres de verre ou de carbone: ce sujet fait l'objet depuis des années d'une course à l'innovation dans l'industrie et la recherche, comme en France au CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives).
Dans les travées de Seanergy, le salon annuel des énergies marines, les déclarations politiques ne font guère ciller mais le sujet de "l'éco-conception" est bien là.
Siemens Gamesa a mis au point en 2022 des pales qu'elle garantit recyclables, pour l'éolien en mer comme sur terre. "Avec la même garantie de puissance et de résistance", assure Frédéric Petit, son président France. Fabriquées au Havre, elles équiperont le parc offshore de Courseulles-sur-Mer (Calvados) en 2025 - mais en partie seulement: dix éoliennes sur 64, du fait du surcoût.
"Quand ça se banalisera, les prix baisseront", assure M. Petit qui compte sur les appels d'offres pour imposer le recyclage des pales, comme pour le dernier projet de parc offshore annoncé en France (Bretagne Sud).
Le concurrent danois Vestas a pour sa part annoncé en 2023 la mise au point d'un produit à même de séparer chimiquement les composants, ce qui permettra selon lui de traiter et recycler toutes les pales en fin de vie, y compris celles déjà installées sur les éoliennes à démanteler. Vestas promet aussi de produire des pales à base de ces résines recyclées.
"Notre rôle est de produire une énergie qui blesse moins la planète et ne compromette pas notre avenir", assure Ricardo Rocha, directeur technique offshore du développeur de projets allemand BayWa r.e. "Ce n'est pas juste une question de CO2, mais aussi de moins polluer".
Car si une éolienne n'émet pas de carbone en fonctionnant, contrairement au gaz ou au pétrole, sa fabrication et son transport ont un impact environnemental. Les images d'un cimetière de pièces d'éoliennes dans le Wyoming ont aussi marqué les esprits, même si la réglementation européenne est autrement plus stricte.
"Plus vertueux" que les autres
Pionnier de l'éolien en France, le Girondin Valorem a coulé en mai un "béton vert", "première mondiale" selon lui, pour les fondations de son parc de Jazeneuil (Vienne). Soit 600-700 tonnes par éolienne - l'équivalent des besoins de "cinq maisons", dit Philippe Tavernier, DG adjoint de Valorem.
Issu de procédés chimiques, ce béton zéro "clinker" (le liant habituel du béton) a été produit par le Vendéen Hoffmann Green qui travaille à décarboner ce matériau dont le processus de cuisson libère du dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Il sera excavé en fin de vie du parc, comme les autres bétons, mais aura émis 32% de CO2 en moins à la production. Pour Valorem c'est un coût supplémentaire de 15-20%.
"C'est notre choix, on s'engage à une moindre rentabilité car on est une entreprise à mission", dit M. Tavernier, relevant cependant que tous les projets, notamment les moins ventés, ou au tarif d'achat moindre, ne pourront en bénéficier, dans un secteur où les "taux de rentabilité interne (TRI) sont à moins de 10%".
"Parfois j'ai un peu le sentiment qu'on ne pardonne rien (aux énergies renouvelables), on doit être plus vertueux" que les autres, ajoute-t-il. "Ca ne dérange personne qu'un vapocraqueur" de raffinerie ne soit pas recyclé, constate cet ingénieur, venu lui-même du secteur pétrolier.
Recycler la résine ? "L'éolien est la première filière à savoir le faire. Personne ailleurs, pour les bateaux par exemple, ne se posait la question", dit Frédéric Petit, de Siemens Gamesa.