Ce château est au coeur d'un important complexe architectural remontant au royaume de Ryukyu, qui aurait été utilisé à partir du XVe siècle. La structure en bois détruite jeudi était une reconstruction effectuée après-guerre à partir de photographies et de plans anciens.
Des images de télévision prises en milieu de nuit montraient de grandes flammes orange envahissant le complexe historique, situé sur une colline surplombant Naha, la capitale d'Okinawa. Aucune victime n'a été signalée, selon les pompiers.
Le feu était maîtrisé en début d'après-midi, a précisé à l'AFP un porte-parole des pompiers, ajoutant que 4.800 mètres carrés du complexe avaient brûlé.
"La chaleur émise était très forte. Les pompiers ont eu beaucoup de mal à s'en approcher", a déclaré un pompier à la chaîne publique NHK.
"Tous les (trois) principaux bâtiments ont entièrement brûlé", a déclaré jeudi à l'AFP Daisuke Furugen, un responsable des pompiers de Naha.
La raison du sinistre, signalé aux autorités aux environs de 02H40, n'était pas encore déterminée jeudi après-midi.
Le "Festival du château de Shuri" se déroulait sur le site depuis le 27 octobre et devait durer jusqu'au 3 novembre. Des travaux liés à ces festivités avaient été menés jusqu'à 01H00 du matin, selon ce porte-parole de la police, précisant toutefois que l'on ne pouvait dans l'immédiat établir un lien entre ces travaux et l'incendie.
"Nous avons perdu notre symbole"
Véritable forteresse, avec ses imposants murs d'enceinte, ses portes monumentales et ses nombreux pavillons, le château de Shuri était le centre politique, diplomatique et culturel du royaume indépendant de Ryukyu (XVe-XIXe siècles), carrefour des échanges entre l'Asie du Sud-Est, la Chine, la Corée et le Japon.
Le complexe est divisé en trois zones: administrative, religieuse et privée (appartements de la famille royale).
Selon les autorités locales, l'incendie aurait démarré dans le pavillon principal, le Seiden, une vaste structure rouge à étages en bois richement décorée et surmontée d'un double niveau de toiture, avant de s'étendre aux bâtiments voisins.
La maire de Naha, Mikiko Shiroma, s'est dite "extrêmement triste" et "profondément choquée". "Nous avons perdu notre symbole", a-t-elle déclaré devant des journalistes.
"La ville de Naha va faire tout son possible, tout ce qui est en notre pouvoir" pour gérer l'incendie et ses conséquences, avait-elle déclaré plus tôt dans la journée lors d'une réunion d'urgence.
Le porte-parole du gouvernement japonais, Yoshihide Suga, a assuré que le gouvernement ferait "tout le nécessaire" pour restaurer le château de Shuri, qui fait partie d'un parc national.
"C'est triste. C'est dur d'exprimer mon émotion avec des mots", a confié un habitant de Naha interrogé par la télévision. "Je me sens vide... C'était un symbole d'Okinawa", a-t-il ajouté.
Le château avait déjà été détruit en 1945 par les bombardements américains durant la bataille d'Okinawa. Il avait été reconstruit à l'identique et avait rouvert en tant que parc national en 1992.
Grâce à la fidélité historique de sa reconstruction, le château avait été inscrit en 2000 au Patrimoine culturel mondial avec d'autre sites et monuments de la région couvrant 500 ans d'histoire de la "culture unique" Ryukyu, selon le site de l'Unesco.
L'une des portes principales du château, Shureimon, avait figuré sur un billet de banque japonais en 2000 pour commémorer l'accueil par Okinawa d'un sommet du G8. Un relais de la flamme olympique devait par ailleurs passer l'an prochain sur le site avant les JO de Tokyo.
Le Japon est parsemé de nombreux châteaux historiques, mais la plupart sont des reconstructions en béton, les originaux en bois ayant disparu au cours des guerres passées, des sinistres ou des catastrophes naturelles.
Dernièrement, le château de Kumamoto (sud-ouest) avait ainsi été gravement endommagé lors de violents séismes qui avaient frappé la région en 2016, avec des travaux de restauration devant s'étaler sur de nombreuses années.
Des joyaux du patrimoine ravagés par les flammes
Notre-Dame, le château de Windsor, la Fenice... avant le château de Shuri au Japon, plusieurs joyaux du patrimoine mondial ont été ravagés par des incendies. En voici quelques exemples récents :
Notre-Dame de Paris
Le soir du 15 avril 2019, un incendie se déclare à l'intérieur de la "forêt", la charpente en bois de la cathédrale Notre-Dame de Paris, un des monuments le plus visités d'Europe, qui renferme un remarquable trésor liturgique.
La flèche qui surplombe le joyau gothique, rajoutée en 1859-1860 par l'architecte Eugène Viollet-Leduc, s'effondre sous les yeux de la foule massée le long de la Seine. En quelques heures, une bonne partie du toit est réduite en cendres.
Dans la sacristie, pompiers et responsables de la cathédrale s'engagent dans un contre-la-montre pour sauver les oeuvres les plus précieuses, dont la relique de la Sainte Couronne d'épines, un morceau de la Croix et un clou de la Passion.
Il faudra aux pompiers une quinzaine d'heures pour venir à bout du sinistre qui laisse l'édifice debout mais fortement endommagé.
De nombreux dons et promesses de dons affluent pour la reconstruction, qui prendra des années.
Le Musée national de Rio de Janeiro
Dans la nuit du 2 au 3 septembre 2018, le Musée National de Rio de Janeiro est réduit en cendres par un incendie parti du système de climatisation. Considéré comme le principal musée d'histoire naturelle d'Amérique Latine, il avait célébré son bicentenaire en 2018 et était notamment réputé pour la richesse de ses collections de paléontologie.
Il abritait le squelette d'un dinosaure trouvé dans le Minas Gerais ainsi que 26.000 fossiles d'autres espèces disparues, comme le tigre à dents de sabre.
Saint-Suaire sauvé des flammes
En 1997, la cathédrale Saint-Jean-Baptiste et le Palais Royal de Turin, au nord-ouest de l'Italie, sont ravagés par un incendie. Le Saint-Suaire, une des reliques les plus vénérées des catholiques, est sauvé par un pompier qui réussit à briser à coups de marteau sa protection en verre pare-balle. Il s'agit du linceul qui aurait selon la tradition enveloppé le corps du Christ après sa descente de croix.
Fenice de Venise
En 1996, le théâtre de l'opéra de Venise, la Fenice, est complètement détruit par un incendie. Ce théâtre, inauguré en 1792, était l'un des plus prestigieux du monde. Deux électriciens ont été condamnés à six et sept ans de prison, accusés d'avoir mis le feu pour éviter de payer des pénalités pour retard de travaux. Il a rouvert en 2004.
Liceo de Barcelone
En 1994, le Liceo de Barcelone, le plus célèbre théâtre lyrique espagnol, vieux de près de 150 ans, situé en plein centre-ville, est détruit lors d'un incendie provoqué par des travaux de soudure, faisant un blessé léger. Il a été reconstruit.
Le château de Windsor
Le 20 novembre 1992, la partie nord-est du château de Windsor, résidence royale à l'ouest de Londres, est ravagée par un incendie. Le sinistre, qui épargne de justesse les appartements privés de la reine, a débuté dans la chapelle, où un projecteur placé trop près d'un rideau a enflammé le tissu.
Le château rouvre au public en 1997 après cinq ans de travaux de restauration d'une centaine de pièces endommagées.
La bibliothèque de Sarajevo
La Bosnie a connu de 1992 à 1995 une guerre inter-communautaire qui a fait environ 100.000 morts, pour la plupart des musulmans bosniens.
Dans la nuit du 25 au 26 août 1992, à partir des montagnes dominant Sarajevo, les artilleurs serbes incendient la bibliothèque nationale de Bosnie, bâtiment construit en 1896 en style pseudo-mauresque. Les flammes n'épargnent que 300.000 livres sur plus de deux millions d'ouvrages, dont de nombreux livres rares.
La reconstruction a débuté en 1996 et a été en partie financés par l'Union européenne. La nouvelle bibliothèque a été inaugurée en 2014.
Le Grand Théâtre de Genève
En 1951, le Grand Théâtre de Genève, construit au XIXe siècle, est dévasté par un incendie déclenché par un test d'effet pyrotechnique prévu pour une représentation de La Walkyrie, opéra de Richard Wagner. Il rouvre en 1962, après onze ans de travaux.