Entre rappels au règlement et suspensions de séance, les débats n'avancent guère sur la question du financement du système. Et les mines sont fatiguées au bout de deux semaines très houleuses de discussions.
A minuit, où qu'en soient les échanges, le rideau tombera au Palais Bourbon.
Une motion de censure déposée par le RN, mais qui ne présente aucun risque de faire chuter le gouvernement, sera examinée juste après, en présence de la Première ministre Elisabeth Borne. Le texte partira ensuite au Sénat.
Il y a "très peu de chances que nous allions jusqu'au bout du texte" ce vendredi, a déploré sur franceinfo Franck Riester, ministre des Relations avec le Parlement. "On ne sait même pas si on va pouvoir aller jusqu'à l'article 7" qui prévoit le report de 62 à 64 ans de l'âge légal.
A qui la faute ? Chacun se rejette la responsabilité.
Franck Riester accuse la gauche de "bloquer le débat démocratique". Plus de 1.500 amendements restent à discuter avant cet article 7, la plupart venant des députés LFI - les autres formations de la Nupes ayant, elles, retiré les leurs pour avancer.
"Nous souhaitons que cette épreuve de vérité dure encore" malgré le couperet fixé par la Constitution, a lancé François Ruffin (LFI) dans l'hémicycle, en invitant à ouvrir l'Assemblée la semaine prochaine.
"Renoncez à vos vacances à Courchevel", a renchéri son collègue Antoine Léaument, sous les huées du camp présidentiel.
Jeudi soir, le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon a jugé "incompréhensible" le retrait d'amendements à gauche, et appelé les députés à ne pas se "précipiter" vers l'article 7. "Hâte de se faire battre ?", a-t-il demandé.
Le candidat malheureux à la présidentielle, qui n'est plus député, a été au centre d'un ping-pong vendredi matin entre son camp et la majorité présidentielle. "Quelles sont les instructions pour aujourd'hui ?", a raillé Jean-René Cazeneuve (Renaissance). "Vous n'êtes plus La France insoumise mais La France indécise", a taclé le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal.
La Nupes est divisée sur l'opportunité d'aller au vote sur l'article 7, comme l'en pressent les syndicats qui ont organisé jeudi une cinquième journée de mobilisation.
Olivier Faure, Premier secrétaire du PS, a reconnu sur France 2 "des divergences tactiques" au sein de l'alliance de gauche, mais qui "ne sont pas insurmontables", car "nous sommes tous opposés à cette réforme".
Les manifestations ont rassemblé jeudi 1,3 million de personnes selon la CGT et 440.000 selon le ministère de l'Intérieur. C'est le chiffre le plus faible depuis le début de la mobilisation, dans l'attente du 7 mars où les syndicats menacent de mettre le pays "à l'arrêt" si le gouvernement ne retire pas la réforme.
"Faire plier"
"Le 7 mars, nous vous ferons plier", a promis Matthias Tavel (LFI). Avec ses collègues, il a demandé à nouveau "des réponses" sur les carrières longues et le minimum de pension, épinglant un ministre du Travail préférant "faire des mots croisés" en séance.
Le ton est monté avec le RN également, Marine Le Pen accusant l'exécutif d'avoir pour "objectif" de "faire baisser les pensions", ce qu'a récusé Gabriel Attal.
"Vous n'avez pas de solution à proposer aux Français, et les Français le voient", a accusé le ministre, s'attirant les foudres de l'extrême droite.
Vendredi à minuit, ce sera la première fois que la lecture d'un texte sera interrompue car le délai constitutionnel aura été atteint.
"Ca va être sport", estime un élu Renaissance. "L'enjeu, c'est qui va imposer son récit ? LFI en disant qu'on fait exprès de pas aller au bout du texte, ou nous ?"
Ces deux dernières semaines, la tension a culminé avec l'exclusion pour 15 jours du LFI Thomas Portes (pour une photo le pied sur un ballon à l'effigie d'Olivier Dussopt) et l'accusation d'"assassin" lancée par Aurélien Saintoul (LFI) au même ministre du Travail.