"Elisabeth Borne, sauvée mais défaite", titre sobrement Libération, qui note "une victoire au goût amer pour l'exécutif, plongé dans une crise politique".
L'adoption de la réforme des retraites n'est pas synonyme de victoire pour le président et sa Première ministre, souligne Paul Quinio dans son éditorial, bien au contraire. "Ils auront depuis deux mois, en défendant mal un projet bâclé, fait la démonstration de leur amateurisme. Ils auront, comme rarement, affaibli un Parlement qui n'avait pas besoin de ça. Il était nécessaire de redorer son blason. Ils ont fait l'inverse", tacle-t-il.
Même son de cloche du côté de La République des Pyrénées, qui met en avant "une victoire au goût de la défaite".
"Le gouvernement n'est pas tombé, mais c'est tout sauf une victoire et la crise reste ouverte", avance l'éditorialiste Jean-Marcel Bouguereau, qui estime plutôt qu'il s'agit là d'une "nouvelle claque pour la Première ministre, car il n'aura manqué que neuf voix pour faire tomber son gouvernement".
L'Humanité barre sa Une d'un seul mot: "Intenable". Le quotidien de gauche brosse le portrait d'un gouvernement fragilisé, et fait état d'une "bataille contre la réforme des retraites" qui se poursuit dans le pays.
"Voilà donc le président contre le pays", grince Maurice Ulrich dans son éditorial. "Le roi est nu", continue-t-il, "avec lui, c'est l'image même de la politique qui est abîmée durablement".
"Et maintenant, que peut faire Emmanuel Macron?", questionne pour sa part Le Figaro, qui constate "l'impasse" dans laquelle se trouve le gouvernement.
Le rejet de la motion de censure constitue en fait "une victoire parlementaire (...), mais en forme de sursis pour l'exécutif qui ne marque qu'une étape dans la crise profonde que traverse actuellement la France", ajoute le quotidien marqué à droite.
Et la Une du Midi Libre d'indiquer, perplexe, "Ca passe, mais...".
"L'échec des deux motions de censure déposées contre le gouvernement n'a absolument rien réglé. Pire. Ce rejet a fracturé un peu plus la classe politique, réduit la légitimité de la Première ministre, accentué la détermination des opposants", énumère l'éditorialiste Jean-Michel Servant.
Un constat partagé par l'Est Républicain. "C'est toujours l'impasse", note dans son édito Benoît Gaudibert.
"Les cartes sont dans la main d'Emmanuel Macron, plus impopulaire que jamais (...) Du côté du gouvernement comme du côté des syndicats, chacun cherche l'introuvable porte de sortie de la crise sociale et politique qui plombe le pays".
"Profonde incertitude"
La presse internationale dresse un bilan similaire de la situation dans l'Hexagone et s'inquiète des conséquences sociales de ce passage en force.
Selon le correspondant en France du New York Times Roger Cohen, "une période de profonde incertitude s'ouvre pour la France, et l'on ne sait pas comment M. Macron, qui est resté largement silencieux, sera en mesure de réaffirmer son autorité".
En Italie, le coup de projecteur est mis sur la mobilisation sociale. Les manifestants "n'attendent pas de promesses, de mots, d'ajustements" de la part d'Emmanuel Macron, expose La Stampa. "Ils demandent simplement +le retrait+ de la réforme des retraites".
Mais "à l'Elysée, la seule décision prise pour l'instant semble avoir été de dormir une nuit de plus", ironise le quotidien, faisant référence à la consultation entre le chef de l'Etat et la Première ministre qui aura lieu mardi matin.
L'allemand Die Welt pointe du doigt "les actions maladroites, sinon arrogantes, du gouvernement et du président silencieux", qui, selon la correspondante à Paris Martina Meister, "ont provoqué une grave crise gouvernementale et démocratique". "Une répétition de la crise des gilets jaunes n'est pas à exclure", prédit-elle.
Le projet phare des réformes des retraites, porté depuis le premier mandat du président et très impopulaire auprès des Français, aura des conséquences sur le reste de son mandat, estime de son côté le Time Magazine.
"L'approche de Macron face aux troubles pourrait aggraver les récentes difficultés du dirigeant français", analyse la journaliste Vivienne Walt.
"Des dossiers législatifs plus généraux, comme l'immigration, l'investissement, l'aide à l'Ukraine et le climat, pourraient tous se heurter à un mur de colère dans les rangs des législateurs, dont beaucoup abhorrent la réforme des retraites".