Préalable à l'emploi de cette arme constitutionnelle, un Conseil des ministres extraordinaire a été réuni mardi après-midi au palais présidentiel, épilogue d'une série de réunions entre les ministres et les principaux responsables de la majorité.
Au même moment, la séance, à peine ouverte, a été immédiatement suspendue à l'Assemblée par la présidente (Renaissance) Yaël Braun-Pivet. Puis elle a repris sous les huées des députés d'opposition puis une Marseillaise a été chantée par les élus de gauche.
Après avoir déclaré vouloir "tout faire" pour l'éviter, Emmanuel Macron et sa Première ministre se sont donc résignés à faire adopter le texte sur les retraites sans vote de l'Assemblée, ce qui sera le cas sauf si une motion de censure venait à être adoptée contre le gouvernement.
D'ores et déjà une forme d'échec pour Elisabeth Borne, qui a déployé de nombreux efforts depuis plusieurs mois pour tenter de nouer un accord avec la droite. Mais un nombre visiblement trop important de députés LR risquaient de manquer à l'appel.
L'annonce du 49.3 a sans surprise fait réagir la gauche. "Quand un président n'a pas de majorité dans le pays, pas de majorité à l'Assemblée Nationale, il doit retirer son projet. L'Elysée n'est pas un parc pour abriter les caprices du président", a lancé le premier secrétaire du PS, Olivier Faure.
"Nous avons encore l'espoir, dans les semaines et mois qui viennent, de battre cette réforme quelles que soient les humiliations qu'aura fait subir au parlement le président", a renchéri le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel.
Depuis des jours, les stratèges macronistes s'affairaient pour savoir s'ils disposaient d'une majorité de députés, tous les comptages montrant une marge de manoeuvre extrêmement faible.
"Ma conviction est qu'on doit aller au vote" et "on aura une majorité pour voter cette réforme", déclarait encore, jeudi matin, la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé.
Le Sénat, de son côté, a sans surprise confirmé jeudi matin son vote en faveur de la réforme par 193 voix contre 114.
Les principaux responsables syndicaux, réunis à proximité de l'Assemblée nationale à la mi-journée, avaient quant à eux réitéré leur appel à "voter contre" un texte selon eux "injuste" et "brutal".
Après des semaines de débats acharnés et de tractations sous haute tension, la réforme extrêmement impopulaire d'Emmanuel Macron devait en principe connaître jeudi son épilogue parlementaire.
Un compromis scellé mercredi entre sept députés et sept sénateurs, après plus de huit heures de débats derrière les portes closes d'une commission mixte paritaire (CMP), a ouvert la voie à un vote dans les deux assemblées pour ce projet reculant à 64 ans l'âge de départ à la retraite.
Députés LR divisés
Mercredi soir, avant de se résigner au 49.3, Emmanuel Macron avait également envisagé, en cas de vote et de défaite dans l'hémicycle, la possibilité d'une dissolution, selon des cadres de la majorité.
Elle permettrait "une clarification" devant les électeurs, notamment pour les députés de droite, a plaidé Aurore Bergé.
Mais Bruno Retailleau, le chef des sénateurs LR, n'y croit "pas un seul instant" car au delà de la droite, "le groupe Renaissance perdrait évidemment aussi" des sièges.
La dissolution ? "Chiche", a lancé la patronne du Rassemblement national Marine Le Pen, qui a dénoncé "corruption", "magouilles" et "propositions d'achats de votes" envers les députés hésitants.
Le président de la République joue très gros sur cette séquence parlementaire. Il en va de la suite de son second quinquennat et de sa capacité à réformer.
Les concessions accordées aux députés LR, notamment sur les carrières longues, n'ont pas dissipé les doutes sur les intentions de vote des députés de ce groupe indiscipliné.
Malgré les "avancées" de la CMP vantées par leur président, Olivier Marleix, plusieurs d'entre eux n'ont pas caché leurs états d'âme.
Le député du Territoire de Belfort Ian Boucard a expliqué, après une réunion de son groupe mercredi soir, qu'il entendait toujours "voter contre" car il est "contre le report de l'âge de la retraite".
"Rien n'est fini"
"Rien n'est fini", a prévenu la cheffe de file des députés Insoumis Mathilde Panot, annonçant que son groupe voterait jeudi en faveur de la motion de rejet du groupe Liot, avant une probable motion de censure, et en attendant l'éventuelle saisine du Conseil constitutionnel en cas d'adoption du texte.
Au lendemain des manifestations de mercredi (qui ont réuni 1,7 million de personnes selon la CGT et 480.000 selon le ministère de l'Intérieur), les syndicats restent toujours aussi mobilisés.
Le passage de la réforme laisserait une "dette sociale" chez les travailleurs, qui risque d'être exploitée "particulièrement l'extrême-droite", a averti le secrétaire de la CFDT Laurent Berger.
Mais le mouvement donne quelques signes d'essoufflement. Les manifestants sont moins nombreux dans les rues et dans des secteurs cruciaux comme les transports, les grèves ne durent pas ou sont peu suivies.