Entre biopic de l'ingénieur Gustave Eiffel, interprété par Romain Duris, et drame sentimental autour de son histoire d'amour impossible avec une jeune fille de bonne famille (Emma McKay, révélation franco-britannique de "Sex Education"), le film suit la construction de l'icône de la Ville Lumière, à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1889.
"J'avais envie d'offrir un grand spectacle épique au public", explique à l'AFP le réalisateur Martin Bourboulon, qui espère qu'après le film, les spectateurs "ne verront plus jamais la tour du même oeil". Une gageure, tant le monument a été filmé depuis sa construction.
De Woody Allen aux films d'animation ("Ratatouille", "Les Aristochats"), en passant par une scène-clé d'"Inception" de Christopher Nolan, tournée sur le Pont de Bir-Hakeim, ou l'affiche de "Taxi 2", elle est partout au cinéma. Et séduit toujours, comme le prouve le clip de PNL, "Au DD", en équilibre sur les plateformes du dernier étage (plus de 190 millions de vues).
"S'il y avait un droit à l'image pour la tour Eiffel, la mairie de Paris serait milliardaire", s'amuse Michel Gomez, qui dirige la mission cinéma de la capitale - en réalité, filmer la tour est gratuit, seuls les éclairages nocturnes sont protégés, précise-t-il.
Sur son bureau, le flot de demandes de tournages incluant des plans de la tour, depuis le Pont Alexandre-III jusqu'au Champ de Mars, ne tarit jamais. Dernièrement encore, une équipe indonésienne, témoignant de l'intérêt des pays émergents.
Cette passion remonte aux origines du cinéma, à la même époque que la construction du monument, retrace Stéphanie Salmon, de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, qui a collecté des objets d'antan, dont des lanternes magiques, objet qui a précédé le cinéma, représentant la tour Eiffel.
Symbole d'une "ville moderne", le monument a eu ensuite "de nombreuses vies au cinéma", explique-t-elle à l'AFP: arrière-plan des comédies musicales romantiques américaines, mais aussi lieu de tournage de scènes-culte, comme l'escalade au-dessus du vide par le petit garçon de "Un Indien dans la Ville"...
"Un peu de paresse"
Au risque d'un trop-plein ? Cette profusion reflète "un peu de paresse" des réalisateurs, convient Philippe Lombard, qui a consacré plusieurs ouvrages au rapport entre le 7e art et la capitale, dont "Paris, 100 films de légende".
Parmi les curiosités qu'il a recensées, la tour Eiffel des "Aristochats" qui change régulièrement d'emplacement au cours du dessin animé, celle de "La grande course autour du monde" de Blake Edwards (1965) qui s'écroule à la fin du film, ou encore le tournage acrobatique du premier film de René Clair, "Paris qui dort" (1924): l'équipe gravissait la tour à pied, faute de budget pour prendre l'ascenseur !
"Spectaculaire", parfaite "pour des cascades ou des courses", de James Bond ("Dangereusement Vôtre" avec Roger Moore assistant à une évasion en parachute depuis le sommet) à "Rush Hour 3" avec Jackie Chan se battant sur les poutrelles, romantique et idéale pour des dialogues chantés ("Funny Face - Drôle de Frimousse" avec Fred Astaire et Audrey Hepburn dans l'ascenseur de la tour), le monument charme les réalisateurs étrangers...
Elle a fasciné aussi les Français, comme François Truffaut, dont elle était "le monument préféré", souligne-t-il. L'icône de la Nouvelle Vague "a mis la tour Eiffel partout", du générique des "400 coups" jusqu'au bureau de Catherine Deneuve dans le "Dernier Métro".
D'autres se plaisent au contraire à s'en détourner: elle trône sur l'affiche de "On connaît la chanson", d'Alain Resnais, mais sans apparaître dans le film, quand l'amoureux de Paris Cédric Klapisch préfère lui se concentrer sur d'autres quartiers.
Un penchant que partage Jacques Audiard: "Les Olympiades", qui sort le 3 novembre, veut magnifier un quartier quasiment jamais filmé, celui des grands ensembles du XIIIe arrondissement. Même si la tour n'est jamais loin: fendant la brume, sa silhouette se devine au loin.