Le mois prochain, il recevra à Venise un prestigieux prix européen du patrimoine pour avoir sauvé de l'oubli cet édifice qui a traversé l'histoire du pays et dont l'existence remonterait au XVIe siècle.
C'est en 2007 que l'architecte de 46 ans et sa femme découvrent par hasard cette brasserie délabrée, située à Lobec, un village de 163 habitants au nord de Prague. Et ils l'ont achetée.
"Ce n'était pas du tout agréable ni confortable", déclare M. Prouza à l'AFP. "Il y régnait une atmosphère de ruine et de délabrement".
Mentionnée pour la première fois en 1586, la brasserie produisait plus de 10.000 hectolitres de bière par an à son apogée au début du XXe siècle.
Fermée en 1943, elle fut nationalisée par la suite par les communistes et transformée en entrepôt, garage, ateliers et en appartements.
Sa façade historique aux hautes baies vitrées a cédé la place à deux portes pour les tracteurs.
En ruines, la brasserie a changé de mains à plusieurs reprises depuis la chute du communisme en 1989, ses propriétaires utilisant ce qu'il en restait comme matériaux de construction.
Des squatters ont fini le travail, brûlant les planches du sol et utilisant une partie des locaux comme toilettes. "Seuls deux réservoirs d'eau ont survécu, car ils étaient trop grands pour être emportés", a déclaré M. Prouza.
"Trop lourd"
En 2014, les Prouza ont joué le tout pour le tout en décidant de vendre leur appartement à Prague et de s'installer à Lobec.
Un an plus tard, ils ont ouvert la brasserie et un restaurant.
"Le début a été le plus difficile, car il semblait évident que la tâche était trop lourde et que nous ne parviendrions pas à sauver cet immense monument", explique M. Prouza.
Et pourtant, "cela fait maintenant huit ans que la brasserie gagne de l'argent", déclare-t-il. "Nous n'avons eu besoin d'aucune subvention cette année".
La brasserie, qui produit près de 1.000 hectolitres de bière par an, a de bonnes chances de prospérer dans un pays où la consommation annuelle de cette boisson est la plus élevée au monde, avec 139 litres par habitant, et où quelque 500 nouvelles micro-brasseries ont vu le jour depuis 1989.
Un maître-brasseur - un passionné local - produit la bière blonde à fermentation basse typique, mais aussi des ales, des stouts et même de la bière gruit, sans houblon, avec des herbes cultivées dans le jardin local.
La brasserie est devenue populaire auprès des cyclistes, un lieu de concerts et d'expositions, et elle propose des visites guidées par Prouza lui-même.
"Courageux"
La brasserie Lobec est l'un des 30 projets à recevoir le prix du patrimoine européen Europa Nostra cette année.
Les organisateurs ont distingué ce projet "courageux" comme "un exemple de gestion de projet réussie avec des ressources financières limitées".
"La renaissance de la brasserie a redonné vie au village... (qui) s'épanouit socialement", ont-ils ajouté.
Zuzana Pavlikova Simonkova, maire de Lobec, a déclaré que la brasserie avait incité certains voisins à rénover leurs habitations autrefois en mauvais état.
"C'est toujours une certaine motivation, et nous devons admirer ce que les Prouza ont réalisé", a-t-elle déclaré à l'AFP.
L'architecte, qui se décrit comme le "directeur, guide, jardinier, gardien et nettoyeur" de la brasserie, admet qu'il a parfois voulu abandonner le projet.
Aujourd'hui, sa femme et lui ont jeté leur dévolu sur une villa historique qu'ils vont rénover.
"C'est à quoi nous avons été formés et ce que nous devrions faire: sauver les vieilles maisons, ne pas marchander avec le cuisinier, ramasser les assiettes et servir de la bière, a déclaré M. Prouza, je pense que nous pouvons le faire".