La détérioration de l’état des volumes est à relier directement au contexte inflationniste et à la hausse marquée et rapide des taux d’intérêt, mais également à la fin d’un âge d’or où tous les paramètres concourraient à une euphorie qui appelait par elle-même à la fin inéluctable de ce cycle. Les notaires notent par ailleurs que le printemps, traditionnellement synonyme de pic d’activité dans l’année immobilière, n’aura cette fois pas opéré d’effet de rattrapage, confortant ainsi un marché tournant de plus en plus au ralenti.
D’après les projections issues des avant-contrats à fin juillet 2023, les prix des logements anciens en France métropolitaine entrent dans une phase de baisse : après la décélération progressive de la hausse des prix constatée depuis septembre 2022, les prix diminueraient de 1% sur un an. La baisse enregistrée sur le marché du collectif (-1,4% sur un an) serait plus forte que celle enregistrée sur celui de l’individuel (-0,7%).
En province, les prix des logements anciens résisteraient encore à fin juillet 2023, avec une évolution annuelle de +0,2%. Contrairement au constat effectué en France métropolitaine, les prix des appartements anciens (+1,2%) continueraient de progresser légèrement alors que ceux des maisons anciennes seraient quasiment stables (-0,2%). À fin juillet 2023, la grande majorité des communes dont les prix des appartements anciens progressaient encore au 1er trimestre 2023 montreraient à fin juillet 2023 des prix stables ou en baisse. C’est par exemple le cas à Rouen et Nantes, où les prix étaient stables à fin mars 2023, mais devraient connaître des prix en baisse d’environ 4% à fin juillet 2023. À Lyon les prix diminueraient de 3% (contre -1% au 1er trimestre 2023). Au niveau des ventes de maisons anciennes dans les plus grandes agglomérations à fin juillet 2023, le constat serait similaire avec des évolutions négatives d’une plus grande ampleur que pour les appartements anciens. Les baisses seraient comprises entre 4 et 9% dans les agglomérations d’Angers, Saint-Étienne, Nantes, Lille, Dijon, Toulouse, Rouen et Strasbourg.
En Île-de-France, une dégradation de plus en plus marquée de l’activité et la baisse de la demande conduisent à de nouveaux ajustements sur les prix : les baisses annuelles de prix se généraliseraient à l’ensemble des marchés de l’Ile-de-France à l’horizon du mois de juillet 2023. Par ailleurs, le rythme annuel de baisse devrait s’accélérer (-4,8% pour les appartements et -3,2% pour les maisons en juillet). Il s’éloignerait du mouvement observé de 2013 à 2015 avec ses baisses annuelles de l’ordre de 1 à 3%. Mais il resterait moins rapide que lors de la crise des subprimes où les baisses annuelles de prix avaient ponctuellement avoisiné 10% en 2009. Dans Paris, le prix au m² ressort à 10.310 € au 1er trimestre 2023. La baisse, jusqu’à présent limitée à 2%, passerait à 5% sur un an en juillet 2023 pour un prix de 10.090 €. La prolongation de la tendance baissière pourrait conduire à basculer en dessous des 10.000 € le m² dans le courant du 3e trimestre 2023.
L’ajustement annoncé des prix, conséquence logique et mécanique de la chute des volumes, arrive à grand pas mais de manière disparate sur le territoire, certaines zones profitant encore de leur attractivité naturelle, à l’instar du littoral. Mais la période des prix haussiers, dopés à des taux anormalement bas, est bel et bien révolue. Le marché doit encore trouver sa nouvelle dynamique, la hausse brutale des taux ayant dissuadé les acquéreurs et écarté les primo-accédants dont les niveaux de revenus ne suffisent plus aujourd’hui à entrevoir un achat. Le panel des acquéreurs potentiels a été largement remanié par un recours au crédit de plus en plus complexe et des arbitrages en défaveur de l’acquisition immobilière au regard du reste à vivre des Français. Parallèlement, les notaires constatent partout un retour de la négociation classique corrélée à une augmentation mécanique des délais de vente par une posture d’attente des acquéreurs. Le marché, après avoir profité largement aux vendeurs, se retourne. Il ne pourra se débloquer que lorsque les vendeurs accepteront de baisser leur prix, ce qui, au regard des hausses des dernières années, n’a pour le moment rien de rédhibitoire. Néanmoins, notons tout de même que ces baisses de prix et de volumes ne seront pas sans conséquences au niveau local sur la perception des droits de mutation à titre onéreux, dans un contexte déjà délicat des Finances publiques.
Dans ce climat morose, la Banque de France prévoit néanmoins que « après avoir atteint son pic au deuxième trimestre, l’inflation IPCH (indice des prix à la consommation harmonisé) totale refluerait progressivement en seconde partie de 2023 et au-delà, pour revenir autour de 2% d’ici 2025, sous réserve de l’absence de nouveaux chocs sur les matières premières importées. »[1]
En toute hypothèse, l’année pourrait se terminer aux alentours des 950.000 transactions, signe d’une très forte décélération sur un an, nous ramenant à un rythme d’avant 2018. Le marché immobilier dans son ensemble subit une période de réajustement brutal dans lequel le marché du neuf s’est lui fortement dégradé, faute de position des pouvoirs publics quant à un nouveau dispositif d’investissement locatif de type Pinel, mais également au regard de coûts de production contraints pour les promoteurs qui, corrélés à une augmentation inéluctable de l’effort d’épargne qu’impose la hausse des taux d’intérêt, essore d’autant le potentiel d’acquéreurs.
Le crédit - Données Banque de France - Résultats à fin mai 2023
Le recours quasi-systématique à des taux immobiliers fixes non révisables continue de sécuriser les emprunteurs français ainsi que les créances et les gages des banques de réseau nationales.
La production mensuelle de crédits à l’habitat atteint 12,1Mds€ en mai
En mai, le flux CVS des nouveaux crédits à l’habitat hors renégociations s’établit à 12,1 Mds€, un montant comparable à ceux observés ces derniers mois (12,2 Mds€ en février et mars, 12,6 en avril). La production de crédit se situe ainsi toujours à un niveau supérieur à celui qui prévalait avant la période de taux exceptionnellement bas et de volumes de production très élevés. Le taux de croissance annuel des encours de crédit à l’habitat ralentit logiquement, et ressort à +3,7% en mai 2023 (après +4,1% en avril) tout en restant supérieur à celui de nos voisins européens.
Le taux effectif au sens étroit -TESE-, c’est-à-dire hors frais et assurances, ressort quant à lui à 3,08% en moyenne en mai pour les nouveaux crédits hors renégociations, en hausse de 16 points de base par rapport au mois précédent, mais toujours en retrait par rapport aux taux moyens pratiqués dans les autres grands pays de la zone euro.
Les étrangers non-résidents sur le marché immobilier français
Retour des acquéreurs étrangers non-résidents en 2022 Après avoir atteint son plus haut niveau en 2015 à 2%, la part des acquéreurs étrangers non-résidents en France métropolitaine n’a presque cessé de diminuer jusqu’en 2020. Après cette année marquée par le début de la crise sanitaire, elle se stabilise à 1,3% en 2021. L’année 2022 marque le retour des acquéreurs étrangers non-résidents, qui totalisent 1,8% des transactions de logements anciens[2]. Ce constat se confirme au 1er trimestre 2023 avec une proportion équivalente.
Cette hausse se ressent sur l’ensemble du territoire, mais elle est d’autant plus importante en Provence-Alpes-Côte d’Azur où la part des acquéreurs étrangers non-résidents passe de 3% en 2021 à 3,8% en 2022. Cette part y reste cependant bien plus faible qu’en 2015, où elle atteignait 5,2%. La Nouvelle Aquitaine, l’Occitanie et la Bourgogne - Franche-Comté connaissent également une hausse significative de la part des achats des étrangers non-résidents, qui y représentent de 2 à 2,4% en 2022 (soit environ +0,5 point sur un an). En Bretagne, dans les Hauts-de-France, le Centre - Val de Loire et les Pays de la Loire, les étrangers non-résidents rassemblent moins de 1% des acquisitions.
La Creuse, les Alpes-Maritimes et les Ardennes font partie des départements les plus prisés par les acquéreurs étrangers non-résidents en 2022. Si la Creuse conserve la première place au classement, avec 8% des transactions au sein du département, c’est celui où la part des acquéreurs étrangers non-résidents a le plus diminué, en particulier entre 2019 et 2021, passant de 11 à 7%. Dans les Alpes-Maritimes, la part des acquéreurs étrangers non-résidents est stable à 7% par rapport à 2019. En revanche, la part des achats effectués par des étrangers non-résidents dans les Ardennes n’a cessé d’augmenter, passant de 4% en 2019 à 7% en 2022. On peut noter qu’il y a dix ans, ils y représentaient seulement 2% des achats. En Île-de-France, la part des acquéreurs étrangers non-résidents atteint son plus haut niveau sur les dix dernières années, à 1,2% en 2022 et jusqu’à 1,6% au 1er trimestre 2023. Ils sont néanmoins peu représentés en dehors de la Capitale. Après avoir oscillé autour de 2,3% entre 2019 et 2021, la part des acquéreurs étrangers non-résidents à Paris atteint en 2022 son plus haut niveau sur les dix dernières années à 3,4% (soit +1,2 point sur un an). Sur le début de l’année 2023, la hausse de la part des étrangers non-résidents à Paris se confirme : ils représentent 4,2% des acquéreurs au 1er trimestre 2023.
La part des Britanniques, en baisse continue depuis 2016, enregistre une forte diminution entre 2020 et 2021 (-6 points), passant pour la première fois sous le seuil des 20%. Cette baisse est similaire à celle enregistrée entre 2016 et 2017 au moment du référendum sur l’appartenance du RoyaumeUni à l’Union européenne. Malgré une hausse de 2 points enregistrée en 2022, ils ne retrouvent pas la première place au classement, avec 17% des achats parmi les étrangers non-résidents. Depuis 2021, les Belges se placent en tête avec 19% des achats. Néanmoins, leur part enregistre une première baisse depuis 2014, de -2 points sur un an.
Définitions
Indices corrigés des variations saisonnières (CVS)
De même que la méthode de calcul des indices permet de gommer les effets de structure, la correction des variations saisonnières vise à corriger ceux des fluctuations saisonnières. Elle a pour but de rendre comparables les évolutions entre deux trimestres consécutifs sans que l’interprétation soit perturbée par la saisonnalité. Par exemple, chaque année, les prix des logements sont tirés vers le haut au troisième trimestre, en particulier ceux des maisons, en raison de la demande des familles marquée par le calendrier scolaire.
Prix médians
Les indices Notaires-Insee ne sont disponibles que sur des zones géographiques où le nombre de mutations est suffisamment important. À des niveaux plus détaillés, nous utilisons les prix médians. Le prix médian est tel que 50% des transactions a été conclu à un prix inférieur et autant à un prix supérieur. Il représente le « milieu » du marché, mieux que la moyenne, plus sensible aux valeurs extrêmes.
Indices Notaires-Insee
La méthode de calcul des indices Notaires-Insee repose sur des modèles économétriques qui décomposent le prix d’un logement selon ses principales caractéristiques (localisation, taille, confort, etc.) de façon à s’affranchir au mieux des effets de structure susceptibles de faire varier les prix d’un trimestre sur l’autre.
[1] - https://publications.banque-france.fr/ projections-macroeconomiques-juin-2023
[2] - Un peu plus 17.000 transactions d’appartements anciens et de maisons anciennes ont été réalisées par des acquéreurs étrangers non-résidents en France métropolitaine en 2022.