Que se passe-t-il ?
Plusieurs réseaux d'agences interrogés par l'AFP estiment que le nombre de biens mis en location a diminué depuis un an.
Foncia, spécialiste de la gestion locative, évalue cette baisse à 10%, le réseau d'agences Nestenn à 11%, la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) à près de 15% et le portail d'annonces Bien'ici à 5% au troisième trimestre.
"Les grandes villes sont très affectées, mais ce ne sont plus les seules", affirme Olivier Alonso, président de Nestenn.
Et la demande flambe encore davantage.
Le promoteur Nexity a ainsi constaté "beaucoup plus de contacts supplémentaires par annonce. Au premier trimestre, on avait un tiers de demandes de location de plus que l'année dernière", a affirmé la directrice générale Véronique Bédague devant des investisseurs fin septembre.
Selon Bien'ici, le nombre de demandes par annonce a même grimpé de 80% au troisième trimestre, encore davantage dans le Sud-Est.
La chaîne se grippe
L'assèchement de l'offre locative vient d'abord... des locataires eux-mêmes. Ils restent en effet de plus en plus longtemps dans leur logement.
"On a eu moins de départs de locataires, pour une raison qui est qu'il y a un attentisme dans la chaîne globale du parcours des Français", explique à l'AFP Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim.
En cause : la difficulté accrue pour devenir propriétaire, avec la hausse rapide des taux d'intérêt, et le taux d'usure, au-delà duquel il est légalement interdit de prêter, qui exclut les emprunteurs les moins aisés.
"Environnement économique, instabilité, incertitude, taux d'usure qui ne monte pas aussi vite que l'inflation et donc les banques refusent des prêts (...) tout ça, de manière indirecte, contribue à ralentir le marché de la location", liste Laurence Batlle, présidente de Foncia ADB.
Le neuf en panne
Le ralentissement de la construction neuve commence également à peser.
C'est un grief récurrent des promoteurs : depuis quelques années, les maires sont plus réticents à autoriser des constructions.
Si les permis de construire atteignent actuellement des niveaux record, c'est une hausse en trompe-l'oeil, consécutive à un afflux de demandes en décembre 2021, avant l'entrée en vigueur d'une règlementation environnementale plus stricte.
Et le nombre de chantiers commencés ne suit pas, avec une pénurie de matériaux et la flambée des prix de l'énergie qui freinent le secteur du bâtiment.
"Cette offre en moins, elle contribue à figer le marché", explique Mme Batlle.
"On ne peut pas acheter là où on veut aller, mais on a besoin d'y habiter, on a besoin d'un logement, et donc, ça se transforme en demande de location", selon Mme Bédague.
Passoires thermiques
Depuis le mois d'août, les propriétaires de logements à étiquette énergétique F ou G, les plus énergivores, ne peuvent plus augmenter leur loyer.
Et à partir du 1er janvier prochain, les logements "indécents" par leur consommation seront interdits à la location. Suivront, en 2025, l'ensemble des G de métropole, puis les F en 2028 et les E en 2034.
Si la mesure est censée inciter les propriétaires-bailleurs à rénover leurs logements, des professionnels craignent que certains les retirent du marché.
Selon un sondage auprès de professionnels commandé par la Fnaim, seulement 32% des propriétaires de logements F et G choisissent pour l'instant de le rénover ; et 26% de le vendre.
"Je pense qu'on n'a pas mesuré l'impact que ça pourrait avoir sur l'offre disponible dans le parc privé locatif", craint son président.
"On ne le voit pas encore, nuance Laurence Batlle. Mais c'est une tendance qui va forcément prendre du poids dans les années à venir."
Locations saisonnières
Dernier danger : la transformation d'appartements en locations touristiques de courte durée. Selon le sondage commandé par la Fnaim, 6% des propriétaires de passoires thermiques envisagent cette solution.
"Dans beaucoup de villes, la location saisonnière a pris le pas sur la location traditionnelle", témoigne Olivier Alonso, voyant une clientèle professionnelle se détourner de l'hôtellerie traditionnelle à son profit.