Mise en place en 2020 et pilotée par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), MaPrimeRénov' vise à aider les Français modestes à rénover leur logement pour réduire leur consommation d'énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre.
Dans son projet de budget 2023, le gouvernement a prévu de porter à 2,5 milliards d'euros l'enveloppe consacrée à cette aide-phare.
Mais les démarches pour l'obtenir sont émaillées de "graves dysfonctionnements techniques récurrents", souligne l'autorité indépendante dirigée par Claire Hédon, qui indique avoir reçu près de 500 réclamations en deux ans.
Le problème majeur, souligne-t-elle, vient du portail informatique où les usagers doivent impérativement créer un compte pour faire leurs démarches.
"Des heures face à un mur"
L'obligation de passer par internet crée une "rupture d'égalité devant le service public", alerte l'autorité indépendante.
Et même pour des usagers à l'aise avec l'informatique, le site présente des dysfonctionnements récurrents. Avec parfois des conséquences dans le versement de l'aide, qui peuvent plonger dans la précarité les demandeurs.
C'est le cas de Pauline Blanckaert. Cette comptable a déposé en décembre dernier une demande d'aide pour des travaux de rénovation d'un montant proche de 50.000 euros pour une maison qu'elle vient d'acquérir dans l'Oise.
Mais lorsqu'elle a demandé, en septembre, le paiement de l'aide de 7.450 euros promise par l'Anah, on lui a notifié qu'elle n'avait plus droit à rien, notamment au motif d'un "changement de zone géographique".
"Je suis perdue, j'en ai ras-le-bol", confie-t-elle à l'AFP. "Ca nous met en difficulté, dans la précarité, et moralement, c'est compliqué".
Mélanie Fleurier, qui avait engagé 15.000 euros en septembre 2020 pour installer une pompe à chaleur chez elle, dans le Var, devait avoir droit à une aide de 4.000 euros. Elle n'a rien reçu pendant un an et demi, jusqu'à obtenir, en mai 2022, un versement de... 355 euros.
"La différence, elle est énorme", s'exclame cette auxiliaire de puériculture. Elle raconte avoir téléphoné "un nombre incalculable de fois" à l'Anah pour obtenir révision de son dossier, sans succès. "C'est des heures face à un mur".
Son recours devant l'Anah resté sans réponse, elle s'est résolue à saisir la justice.
Impuissance
La difficulté pour modifier des éléments d'un dossier déjà déposé, l'impuissance ressentie au téléphone avec les conseillers, les délais de versement de la prime sont des témoignages récurrents recueillis par l'AFP.
La Défenseure des droits pointe les "délais de traitement extrêmement longs". Certains ménages qui ne parvenaient pas à se créer un compte et n'ont pu constituer leur dossier avant d'engager leurs travaux ont également vu leur demande refusée au motif... qu'elle avait été faite trop tard.
"Refuser la prime à ces demandeurs revient à ce que l'Anah les sanctionne pour ses propres carences", estime la Défenseure des droits qui demande la mise en place d'un canal ne passant pas par le portail en ligne.
Elle lui réclame des comptes dans un délai de trois mois.
Contactée par l'AFP, l'Anah "prend acte" des recommandations tout en assurant qu'une "immense majorité des dossiers se déroule sans encombre". Selon l'agence, le dispositif a rencontré "un fort succès" avec plus d'1,25 million de bénéficiaires.
Elle assure par ailleurs que le délai moyen d'instruction des dossiers complets est "de 15 jours ouvrés".
Le ministre délégué au Logement Olivier Klein a également jugé "très marginal" le nombre de dossiers en souffrance.
"MaPrimRénov représente un grand progrès pour les citoyens", a ajouté le ministre en soulignant qu'auparavant, il pouvait s'écouler "plus d'une année" entre la réalisation des travaux et le versement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), nom du précédent dispositif d'aide.
"En 2021, les 2,1 milliards d'euros de budget de MaPrimRénov' ont bénéficié à 80% à des ménages modestes et très modestes", poursuit encore Olivier Klein.