Dans la capitale, les spécialistes des logements de luxe "sont obligés de faire des tirages au sort pour les visites, pour éviter qu'on se marche sur les pieds", a rapporté jeudi en conférence de presse Richard Tzipine, directeur général du réseau Barnes, évoquant des biens à plusieurs millions d'euros qui sont vendus "à la deuxième ou troisième visite".
Le réseau a fait état d'une excellente année 2019, dans la lignée des bilans de ses concurrents dans l'immobilier de luxe, un marché de niche sans définition précise mais qui s'intéresse généralement aux logements de plus d'un million d'euros.
Le montant global des ventes faites par Barnes en France a progressé de 15% l'an dernier, a-t-il précisé à l'AFP. Son grand concurrent à Paris, Daniel Féau, estimait en décembre avoir fait "un petit peu mieux" qu'en 2018, année déjà florissante. Sotheby's et Coldwell Banker ont annoncé des hausses respectives de 11% et 17%.
"Sur le long terme, je suis très confiant sur la tendance car c'est un marché de pénurie", estimait en décembre Charles-Marie Jottras, président de Daniel Féau, lors d'un bilan annuel.
"L'offre est limitée et il y aura toujours de la demande, française ou élargie", insistait-il, à propos de Paris et ses environs, ou se concentre l'essentiel de l'immobilier français de luxe en matière de résidences principales.
Avant même 2019, les logements luxueux attiraient déjà de plus en plus d'argent d'année en année. Non seulement le marché suit la tendance générale de l'immobilier français à la hausse des prix, mais il obéit aussi à des critères liés à une clientèle plus fortunée et cosmopolite que l'acheteur moyen.
Les principaux réseaux estiment que la perspective du Brexit, auquel le Parlement britannique a donné cette semaine son feu vert après trois ans de débat, a plutôt favorisé Paris au détriment de Londres.
Ils sont encore plus unanimes à dire que l'élection d'Emmanuel Macron en mai 2017 a établi un climat jugé plus favorable par leurs clients, dont beaucoup sont étrangers ou Français expatriés.
Optimisme pour 2020
Certes, depuis un an et demi, la présidence de M. Macron est aussi marquée par deux mouvements sociaux: les "gilets jaunes", au sommet de leur mobilisation voici un an, et la grève contre la réforme des retraites plus récemment.
"Sans ces deux facteurs, sans le moindre doute, les résultats auraient été encore plus élevés", a admis auprès de l'AFP Alexander Kraft, qui dirige les activités immobilières en France de Sotheby's.
Pour autant, ces mouvements n'ont pas découragé en masse les acheteurs immobiliers, M. Kraft remarquant que les contretemps liés à la grève des transports n'ont fait que décaler des transactions immobilières dans le temps, et que 2020 s'annonce encore meilleure pour le marché que l'année précédente, "sauf en cas de catastrophe majeure".
Surtout, alors que la dynamique du marché se concentrait depuis des années sur la capitale, "la vague parisienne a vraiment rattrapé la province", a enchaîné M. Kraft.
C'est la principale nouveauté évoquée par plusieurs réseaux. Le marché du luxe s'est réveillé l'an dernier dans d'autres régions françaises que la capitale, même s'ils obéissent souvent à des considérations différentes car ils sont plutôt centrés sur des résidences secondaires.
"On voit vraiment une hausse d'activité partout en France, même dans des marchés qui étaient très sinistrés", a détaillé M. Kraft. "Pour la première depuis sept ans, il y a un vrai rebond d'activité en Côte d'Azur et dans les stations de montagne."
"Une grande nouvelle pour moi, c'est la redécouverte de ces marchés par les Français. La Côte d'Azur, par exemple, on voit vraiment un retour des grandes familles françaises qui se réinstallent là-bas", a-t-il conclu. "C'est un bon signe: c'est un marché plus stable et sain."