Cette manière d'opérer risque en effet de brusquer des partenaires sociaux opposés à ces réformes et de raidir une opposition au Parlement déjà survoltée, où l'exécutif, privé de majorité absolue, doit désormais bâtir des "majorités de projet".
"Moi je pousse. (...) Il ne faut pas lâcher", "la bataille pour l'emploi pour moi est clé dans les prochains mois", a plaidé jeudi dans les Pyrénées le chef de l'Etat.
Le travail sera, avec l'énergie, la priorité du gouvernement pour la rentrée, et un texte de loi sur ce thème sera présenté "dès cet été", avait déjà annoncé le 14 juillet Emmanuel Macron, marquant une accélération surprise du calendrier, dans un contexte de difficultés de recrutement et avec l'objectif réaffirmé du plein emploi.
"Il m'est arrivé parfois (...) de dire qu'il fallait traverser la rue" pour trouver du travail, "c'est encore plus vrai" aujourd'hui, a-t-il insisté, en reprenant une expression qui lui avait été vivement reprochée par les oppositions.
"Ca va y aller cash", et l'hypothèse d'une intervention du président sur ce sujet avant la pause estivale est même à l'étude, selon une source gouvernementale.
"Ambition"
En insistant sur la "valeur travail", le gouvernement, en quête de compromis au Parlement, entend séduire LR et le Sénat, à majorité de droite, très attachés à ce sujet. Il s'agit aussi pour l'exécutif de réaffirmer qu'en dépit de sa majorité relative, il reste déterminer à "agir".
Le gouvernement entend ainsi transformer Pôle emploi en "France Travail" pour simplifier les démarches en terme d'indemnisation mais aussi de formation et d'insertion, obliger les bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active) à s'inscrire dans une activité, et réformer l'assurance chômage, sur sa gouvernance mais aussi sur la modulation des indemnisations en fonction de la conjoncture.
Pour justifier cette accélération, un ministre avance le risque d'une "récession", tandis qu'Emmanuel Macron souligne que davantage d'emplois "permettra aussi de financer ce qu'il nous faut pour pouvoir résister à la crise", alors qu'il veut en même temps contenir la dépense publique.
"Il faut une ambition, on n'est pas là pour administrer le pays", plaide un autre membre du gouvernement.
Mais syndicats et associations ne voient pas ces réformes d'un bon œil. Elles préfigurent "une nouvelle baisse des droits", pour la CGT, tandis que FO estime que "c'est le salaire, les conditions de travail, donc l'attractivité des emplois qui permettront le plein emploi et non la contrainte d'une baisse de l'indemnisation".
Sur la méthode, le patron de la CFDT Laurent Berger ne veut pas "d'un système où les marges de manœuvre laissées aux partenaires sociaux pour fixer les règles sont trop réduites".
Pas de calendrier
Le ministre du Travail Olivier Dussopt avait pourtant semblé temporiser sur l'assurance chômage, en annonçant que les règles d'indemnisation, qui expirent le 31 octobre, seraient prolongées le temps de faire une évaluation de leur utilité.
S'il y a "une envie d'aller plus loin", il n'y a pas encore de calendrier, dit-on aussi à Matignon.
Elisabeth Borne a salué à cet égard vendredi "l'esprit de responsabilité" des députés pour leur adoption en première lecture du projet de loi sur le pouvoir d'achat, au terme de débats très agités et quelques compromis notamment avec LR.
Ces réformes du travail pourraient figurer au menu du Conseil national de la refondation qui sera installé en septembre.
Une instance qui vise, selon le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, à "partager les diagnostics sur des grands enjeux" avec les forces vives, élus, partenaires sociaux et acteurs locaux, et ne sera "pas un substitut au Parlement".
Mais LR et le RN ont déjà décliné l'invitation.