Sur le modèle de la convention citoyenne pour le climat, l'Association des maires ruraux de France (AMRF), qui rassemble 12.000 communes de moins de 3.500 habitants, a organisé un "grand atelier de la transition écologique" pendant six mois.
"On a embarqué 100 maires volontaires dans un exercice de formation et de réflexion en intelligence collective", explique à l'AFP Fanny Lacroix (MoDem), vice-présidente de l'AMRF. Jusqu'ici discrets sur le sujet, les élus locaux sont pourtant ceux qui "se prennent", selon elle, "le changement climatique en pleine tête, avec la diminution drastique de la ressource en eau".
Pour se forger une opinion, les maires ruraux, réunis en congrès ce week-end à L'Alpe-d'Huez (Isère), ont rencontré un bon nombre d'experts de l'énergie et du climat, dont la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte.
La "stratégie nationale" présentée repose sur trois thématiques: la transition énergétique, les biens communs naturels et les leviers d'action.
"Pour nous c'est une nouvelle façon de travailler. On passe d'une association plutôt familiale, où quelques-uns réfléchissent et décident, à une réflexion participative et ascendante", se félicite Michel Fournier, président de l'association.
Avec 88% du territoire, les communes rurales semblent être de fait "l'espace politique de la transition écologique", comme le revendiquent les maires ruraux.
"Nous avons l'eau qui alimente nos communes et les grandes villes, la forêt qui stocke le carbone que nous n'émettons pas, et les terres agricoles qui nourrissent la population", rappelle Michel Gros, maire de La Roquebrussanne (Var), pour qui le gouvernement "ne peut pas ignorer notre travail".
Outre un appel urgent à "ralentir", les maires réclament surtout une chose : être parties prenantes des décisions de planification écologique qui "auront un impact" sur leur territoire.
"Acceptabilité"
Ce positionnement intervient au moment où ils doivent définir sur leur commune les "zones d'accélération" qui accueilleront des parcs éoliens ou photovoltaïques, conformément à la loi d'accélération des énergies renouvelables.
"Nous allons avoir un +mur énergétique+ d'ici 2030 et l'éolien terrestre ou le solaire, ce sera forcément chez nous. On ne veut pas subir les projets mais travailler en amont avec notre population sur les conditions de leur acceptabilité", explique Fanny Lacroix.
Outre des projets "à taille humaine", l'AMRF demande que les petites communes puissent davantage bénéficier des retombées économiques attendues, notamment fiscales.
Elle demande aussi à l'Etat de respecter le "pacte républicain" et de ne pas installer "que des éoliennes", mais aussi "des boulangeries, des écoles et des médecins".
"Il faut que les habitants sachent que quand on met deux éoliennes sur une commune, cela va peut-être permettre de construire une maison médicale", argumente Mme Lacroix.
Interrogé par l'AFP, le sénateur écologiste Ronan Dantec, qui a participé à des ateliers, salue un engagement "assez volontariste".
Certaines propositions vont même selon lui "assez loin", comme l'idée de soumettre à autorisation toute intervention sur des parcelles privées qui auront potentiellement un impact sur la biodiversité.
Les maires redoutent par ailleurs que la préservation des biens communs, tels que les forêts, représente à terme une charge financière excessive. Le financement des communes ne doit donc plus, selon eux, être seulement dicté "par le nombre d'habitants".
Sur la gestion des ressources naturelles, l'AMRF appelle en outre "à plus de démocratie locale", ce qui ne va pas sans faire écho aux débats sur les "méga-bassines".
"Le résultat de notre travail, c'est 90 pages dans lesquelles on offre une boîte à outils aux maires sans rien leur imposer", assure Jean-Claude Pons, maire de Luc-sur-Aude.
Lors de la présentation, un maire a toutefois menacé de "quitter l'association", critiquant une démarche de "bobos néo-ruraux".
"Je ne m'inquiète pas", assure Philippe Heitz, maire de Burdignes (Loire), avant de filer la métaphore du paysan cultivant son champ: "On a fait un semis à la volée, il y aura des terrains où ça ne va pas pousser, d'autres oui".
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