Au Congrès de l'Association des maires de France (AMF), qui se tient de mardi à jeudi à Paris, les élus arrivent avec inquiétude, beaucoup s'estimant privés par l'Etat de moyens financiers et de leviers fiscaux.
"Les maires sont extrêmement inquiets au niveau des perspectives financières", confie ainsi à l'AFP Antoine Homé, maire PS de Wittenheim (Haut-Rhin) et vice-président de l'AMF chargé des finances et de la fiscalité.
L'un des principaux coups de massue financiers subis cette année vient des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), prélevés sur les transactions immobilières et souvent appelés "frais de notaire" par abus de langage.
La chute du marché de l'immobilier, grippé par la remontée en flèche des taux de crédit, assèche nettement cette manne.
Après avoir atteint un pic à 1,21 million en août 2021, le nombre de transactions dans l'ancien sur 12 mois a entamé une chute vertigineuse. Fin août 2023, on en comptait 955.000 selon les données publiées par le Conseil supérieur du notariat.
Les prix des biens ont aussi entamé une décrue (au 2e trimestre, -0,8% sur trois mois, +0,5% sur un an), réduisant d'autant les DMTO, calculés en pourcentage de la valeur d'achat (5,8% dans la plupart des cas).
"Intenable"
Premier échelon concerné : les départements, dont environ un cinquième des recettes viennent des DMTO.
En 2022, ils leur ont rapporté 16,6 milliards d'euros, indique à l'AFP François Sauvadet, qui préside l'Association des départements de France et le conseil départemental de la Côte-d'Or. Cette année, "on sera sans doute en dessous de 13 milliards, quand dans le même temps nos dépenses (...) ont augmenté de 2,5 milliards" à cause de l'inflation, prévoit l'élu UDI.
"La situation va vite devenir intenable", alerte-t-il, les départements étant chargés de l'entretien des routes et des collèges, mais aussi de nombreuses dépenses médico-sociales : versement du revenu de solidarité active (RSA), protection de l'enfance, gestion d'établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)...
"On est face à un afflux de MNA (mineurs sans papiers non accompagnés, NDLR), on a le problème de la protection de l'enfance avec des crises très lourdes liées à la prise en charge de phénomènes psychiatriques, l'explosion des dépenses dans les Ehpad... On ne peut plus aujourd'hui faire les fins de mois, payer les salaires !", dit-il.
Pour ne rien arranger, les départements les plus touchés seront, prévient-il, ceux concentrant déjà des difficultés : Ardennes, Aisne, Seine-Saint-Denis...
Réduire la voilure
Pour rogner sur les dépenses, ils vont devoir réduire la voilure sur les investissements, comme dans l'Essonne, qui fait état d'une chute de 20% de ses DMTO, soit 80 millions d'euros. Le président LR du département François Durovray a ainsi indiqué dans un communiqué qu'il devrait réduire d'autant ses investissements l'an prochain, tout en annonçant "une année blanche sur certains dispositifs".
"Je vois beaucoup de collègues qui sont obligés de couper, hélas, dans les subventions aux associations sportives et culturelles", témoigne aussi Antoine Homé, du côté des communes.
Plusieurs mesures annoncées jusque-là pour relancer la production de logements pèsent en outre sur les collectivités, dénonce-t-il.
La ministre chargée des Collectivités, Dominique Faure, a souligné dans une déclaration à l'AFP que cette baisse des DMTO devait être mise "en perspective par rapport aux trois années exceptionnelles qui viennent de s'écouler", le nombre de transactions ayant atteint des niveaux record à la sortie des confinements de 2020.
"Les efforts conjugués du gouvernement et des départements (…) devrai(en)t permettre à la majorité des départements d'amortir le choc", a-t-elle poursuivi, rappelant également qu'en novembre, la Première ministre Elisabeth Borne avait annoncé augmenter le soutien de l'Etat aux départements les plus en difficulté.
Dans un récent rapport, la Cour des comptes préconise que les collectivités puissent davantage mettre en réserve les recettes des bonnes années pour être moins dépendantes des aléas économiques.