"Notre engagement est de trouver un accord aujourd'hui. Aucune raison ne justifie un report supplémentaire", a insisté la ministre espagnole de l'Energie Teresa Ribera avant une réunion à Luxembourg avec ses homologues européens.
Le président français Emmanuel Macron saluait la semaine dernière, après une rencontre avec le chancelier allemand Olaf Scholz, la volonté des deux pays de conclure un accord "d'ici la fin du mois". Des discussions bilatérales "intenses" ont eu lieu depuis, mais un compromis reste incertain.
Une nouvelle proposition de la présidence espagnole de l'UE fait complètement disparaître du texte la question controversée du dispositif de soutien aux centrales nucléaires existantes, inacceptable pour Berlin, qui souhaite encadrer ce dispositif au niveau européen pour éviter les distorsions de compétitivité.
"La proposition espagnole essaye de résoudre un problème majeur pour le marché intérieur en l'ignorant, ce qui ne le supprime pas", s'est agacé le ministre allemand de l'Economie Robert Habeck.
Après l'envolée des prix de l'électricité l'an dernier, la réforme entend faire baisser les factures des ménages et entreprises grâce à des contrats de long terme permettant de lisser l'impact de la volatilité des cours du gaz.
Il s'agit aussi d'assurer davantage de prévisibilité aux investisseurs: tout soutien public à de nouveaux investissements dans la production d'électricité décarbonée se ferait via des "contrats pour la différence" (CFD) à prix garanti par l'Etat.
Dans ce mécanisme, si le cours du marché de gros est supérieur au prix fixé, le producteur d'électricité doit reverser les revenus supplémentaires engrangés à l'État, qui peut les redistribuer. Si le cours est en-deçà, l'État lui verse une compensation.
Or, la proposition initiale étendait ces CFD aux investissements destinés à prolonger la vie des centrales nucléaires existantes. Une cause d'alarme pour Berlin: l'Allemagne, sortie du nucléaire, redoute la concurrence, selon elle déloyale, d'une électricité française rendue plus compétitive grâce à un soutien public massif.
A l'inverse, le sujet est crucial pour la France, soucieuse de financer la réfection de son parc nucléaire vieillissant et de maintenir des prix bas, atout majeur pour ses industriels.
"Ligne rouge"
Ce débat intervient à l'heure où les industriels européens s'inquiètent pour leur compétitivité, entre envolée des prix de l'énergie et subventions massives des industries vertes aux États-Unis.
Dans une contre-proposition présentée mardi, Robert Habeck a défendu l'imposition de critères européens à tous les CFD appliqués à des centrales existantes, "en s'assurant que les recettes générées ne distordent pas les conditions de concurrence" quand elles sont redistribuées aux industriels, sous stricte supervision de Bruxelles.
La France entend, elle, bénéficier de ses choix énergétiques, au moment où l'Allemagne pâtit à la fois de la perte des importations de gaz russe, dont elle s'était rendue dépendante, et de l'abandon du nucléaire, qui l'ont contrainte à relancer le charbon.
"Il y a des interrogations sur le risque de distorsions de concurrence. J'en suis très étonnée: le coût du nucléaire historique est dans les mêmes eaux que le coût des installations renouvelables", éolien et photovoltaïque, a fait valoir la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
"Je ne voudrais pas que ce soit le prétexte d'une discrimination contre le nucléaire (...) La France négocie de bonne foi, avec une ligne rouge très claire: on ne peut pas discriminer le nucléaire", énergie décarbonée "qui équilibre le système (face à l'intermittence des renouvelables), sécurise l'approvisionnement des Européens et fait baisser leurs factures", a-t-elle insisté.
Si le texte peut être validé à une majorité qualifiée d'Etats, Madrid entend avoir l'approbation de Paris et Berlin.
Suspendus au compromis des deux puissances, certains pays ne cachaient pas leur agacement: "l'UE n'est pas limitée à la France et l'Allemagne", a déploré la ministre belge Tinne van der Straeten.
Un autre sujet faisait débat: les "mécanismes de capacité" qui permettent aux États de rémunérer les capacités inutilisées des centrales pour garantir leur maintien en activité et éviter des pénuries futures d'électricité.
Plusieurs pays veulent être exemptés des contraintes écologiques prévues, notamment la Pologne, désireuse d'appliquer cet outil à ses centrales à charbon.