Par cette résolution, le Sénat tient à faire valoir sa position sur ce dossier essentiel pour la transition écologique et la souveraineté énergétique de l’Union européenne, à un moment opportun pour qu’elle puisse être prise en compte par le gouvernement dans le cadre des négociations en cours au Conseil, mais aussi par le Parlement européen, dans un contexte où la guerre en Ukraine renforce l’urgence de diminuer la dépendance européenne aux énergies fossiles.
Fruit d’un travail de concertation inédit et transpartisan, conduit par de nombreux rapporteurs, la position du Sénat est une voie d’équilibre par rapport aux propositions de la Commission européenne qui met l’accent sur l’acceptabilité sociale, économique et territoriale du « paquet 55 ».
Pour Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes : « c’est une démarche ambitieuse, mais réaliste, qui fait clairement ressortir l’enjeu de l’acceptabilité sociale de la transition climatique et du besoin d’accompagnement de celle-ci ».
Il s’agit aussi de rappeler certaines exigences qui conditionnent la mise en œuvre et l’atteinte des objectifs climatiques de l’Union européenne. Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, a indiqué que l’Europe devait relever trois défis : l’indépendance énergétique, l’autonomie minière et la relocalisation industrielle, trois conditions indispensables pour que « la transition énergétique puisse être considérée non comme une contrainte juridique, mais comme une opportunité économique, à même de placer l’Europe aux avant-postes de la décarbonation, ce qui suppose une complète neutralité technologique, accordant toute sa place à l’énergie nucléaire et demandant davantage aux États membres dont le mix électrique est le moins décarboné ».
La résolution marque aussi l’appui du Sénat à l’ambition européenne dans la lutte contre les effets du changement climatique, dans la continuité de l’Accord de Paris. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, a souhaité que « cette résolution soit à la hauteur de nos engagements climatiques. Nos rapporteurs ont donc été particulièrement vigilants au maintien de la cohérence climatique de la résolution : l’ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990 devait être maintenue en pratique – et non seulement en théorie – sur l’ensemble du texte ».
Dans ce souci d’équilibre, le Sénat préconise de concilier ambition climatique et pragmatisme et, à ce titre, souligne dans sa résolution :
- le caractère particulièrement ambitieux des différents objectifs, en termes de trajectoire de décarbonation assignée à chaque État membre et de neutralité climatique des terres ;
- les risques liés à l’inclusion des secteurs du bâtiment et des transports routiers au mécanisme du marché carbone, d’où la proposition de garde-fous minimaux, tels un prix plafond sur ce nouveau marché, la limitation du dispositif aux professionnels et des moyens accrus pour accompagner les ménages les plus précaires ;
- l’importance du financement du Fonds social pour le climat pour atténuer les effets sociaux de la transition écologique, malgré des doutes sur sa capacité à répondre aux besoins d’accompagnement faute d’étude d’impact suffisante par la Commission européenne ;
- la contribution du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à l’effort de décarbonation malgré ses failles, le mécanisme risquant en l’état de provoquer une perte de compétitivité des entreprises exportatrices européennes ;
- les enjeux financiers et technologiques de cette transition, laquelle nécessite des investissements considérables à organiser dans une stratégie globale impliquant la création de nouvelles ressources propres ;
- la nécessité de garantir la compétence des États membres dans la définition de leur bouquet énergétique et dans leurs choix technologiques, le principe de neutralité technologique devant notamment bénéficier à l’énergie nucléaire, à l’hydrogène, nucléaire comme renouvelable, à l’ensemble des solutions décarbonées et au développement des biocarburants, du biogaz et du bois-énergie ;
- la nécessité de maîtriser les coûts induits par le paquet pour les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales, dans l’approvisionnement en combustibles ou en carburants et l’application des normes de performance énergétique aux bâtiments ;
- la nécessité d’entreprendre une réforme d’ensemble du marché européen de l’électricité dans un contexte de flambée sans précédent des prix des énergies.
Enfin, le Sénat estime que le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » doit constituer le pilier de la diplomatie climatique de l’Union européenne : l’exemplarité du continent européen doit lui permettre de jouer un rôle d’entraînement à l’échelle mondiale.