Mais ce dossier "ne nécessite pas de modification de programmation des arrêts de réacteurs, que ce soit pour 2023 ou 2024", a voulu rassurer Régis Clément, directeur adjoint du parc nucléaire EDF, dans une conférence téléphonique jeudi soir, tout en rappelant que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) aurait son mot à dire.
EDF n'a d'ailleurs pas changé son estimation de production d'électricité nucléaire pour cette année, soit entre 300 et 330 térawattheures, ce que le gestionnaire du réseau, RTE, a globalement confirmé jeudi dans ses prévisions. Ce sera mieux que l'an dernier.
La série noire a commencé en octobre 2021 par la découverte d'une micro-fissure dans une des centrales les plus récentes et puissantes d'EDF, un phénomène appelé "corrosion sous contrainte". Cela concerne une tuyauterie servant uniquement en cas d'urgence, pour inonder d'eau le réacteur lors d'un accident nucléaire. Des fissures peuvent provoquer des fuites.
EDF a depuis été forcé de lancer un grand plan de contrôle et de réparations, revu en décembre dernier, qui a conduit à l'arrêt de nombreux réacteurs en pleine crise énergétique... La compagnie se croyait enfin prête à tourner la page avec son dernier plan prévoyant des réparations d'office. Jusqu'à la découverte d'une nouvelle fissure, très importante, dans une conduite du réacteur numéro un de la centrale de Penly, à un endroit qui était jusqu'à présent jugé non sensible. Cette découverte a forçé EDF à réviser encore son programme de contrôle, soumis le 10 mars à l'ASN.
L'autorité a donné jeudi dans un communiqué des détails de cette stratégie actualisée.
"L'ASN prend acte de cette évolution de la stratégie et considère qu'il est de la responsabilité d'EDF de la mettre en oeuvre", indique le gendarme du nucléaire.
69 soudures à contrôler en priorité
Le problème nouveau à Penly se trouve sur une tuyauterie ayant fait l'objet de réparations particulières au moment de la construction de la centrale dans les années 1980. Jusqu'à présent, ces réparations datant de plusieurs décennies n'étaient pas considérées comme des sources potentielles de "corrosion sous contrainte", ou CSC. La découverte a tout changé.
"Cette soudure n'était pas située sur une zone considérée comme sensible, mais située à proximité d'une soudure réparée et ce cas-là fait évoluer la connaissance qu'on avait du sujet", a expliqué Julien Collet, directeur adjoint de l'ASN dans la soirée.
"Ces soudures réparées, EDF avait prévu d'aller les voir, mais le fait qu'à elles seules elles puissent générer de la CSC nécessite de revoir les priorités du programme de contrôle d'EDF", a-t-il ajouté.
"Donc il faut aller voir en priorité les soudures plusieurs fois réparées et accélérer. On priorise et on accélère, c'est ce qu'on propose de faire", a dit séparément Régis Clément d'EDF.
Il a d'ailleurs insisté sur le fait que la grosse fissure de Penly 1 n'avait "jamais remis en cause les hypothèses fondamentales de sûreté sous-tendant le fonctionnement de ce réacteur".
Au total, il y a 320 soudures réparées et donc désormais suspectes, dans les 56 réacteurs français, a indiqué l'ASN.
Parmi elles, 69 sont prioritaires, selon EDF, et l'objectif annoncé est d'en contrôler 92% d'ici la fin de l'année. Les 8% restantes le seront début 2024 lors de l'arrêt prévu des réacteurs concernés.
"Au moment de la construction du réacteur [de Penly], cette soudure avait été réparée à deux reprises, une première fois pour corriger un défaut d'alignement des tronçons du circuit, une seconde fois pour corriger un défaut de soudure. Cette particularité pourrait expliquer la présence d'une fissure de corrosion sous contrainte aussi profonde", explique les experts de la sûreté nucléaire de l'IRSN dans une note publiée jeudi soir.
D'autres fissures dites "de fatigue thermique" découvertes à Penly 2 et Cattenom 3 nécessitent "des analyses complémentaires", selon l'ASN. EDF a expliqué qu'il fallait en effet "élargir la surveillance".