L'Allemagne qui compte déjà un réseau de 90 stations d'hydrogène, le plus dense d'Europe, devrait le voir tripler en taille, à 300 stations d'ici 2030, a indiqué mardi matin le principal investisseur de l'opération, le fonds spécialisé dans l'hydrogène Hy24.
Ceci devrait permettre "d'accompagner le déploiement des flottes commerciales bas carbone en Europe", c'est-à-dire des camions, bus longue distance ou autres transports lourds ou intensifs qui auront besoin d'hydrogène pour remplacer les carburants fossiles responsables du réchauffement climatique.
Les batteries des moteurs électriques remplaçant les moteurs thermiques des véhicules légers ne sont à ce jour pas jugées assez puissantes pour assurer la transition énergétique des poids lourds qui nécessitent des temps de charge rapides et des autonomies élevées.
Hy24, le fonds spécialisé dans l'hydrogène décarboné créé en 2021 par les industriels français Air Liquide, TotalEnergies et Vinci en lien avec le fonds Ardian, en vue de développer les infrastructures liées à l'hydrogène partout dans le monde, va investir 70 millions d'euros dans la société H2 Mobility qui gère le réseau allemand de stations. Il deviendra ainsi l'actionnaire de référence du projet avec autour de 40% du capital.
Les actionnaires historiques de H2 Mobility -les industriels du gaz, de l'automobile et de l'énergie Daimler Truck, Hyundai, Air Liquide, Linde, OMV, Shell et TotalEnergies- vont aussi de leur côté investir collectivement quelque 40 millions d'euros dans le même projet.
"L'Allemagne a développé une vision hydrogène très intégrée depuis très longtemps (...) et il y a déjà un bon maillage de stations dans le réseau national" développé depuis 2013, relève pour l'AFP Pierre-Etienne Franc, directeur-général de Hy24, au cours d'un entretien téléphonique : "Notre investissement va permettre d'augmenter la capacité de charge de certaines stations, qui seront adaptées à des camions ou bus longue distance, d'en développer de nouvelles en Allemagne, mais aussi en Autriche, Suisse, et dans les zones frontalières".
L'hydrogène décarboné sera soit "bleu", c'est-à-dire avec un processus de fabrication où le CO2 émis est stocké, ou "vert", c'est-à-dire produit par électrolyse de l'eau à partir d'électricité renouvelable, photovoltaïque, éolienne ou hydro-électrique.
Quatre réseaux dans le monde
Selon M. Franc, ancien haut responsable d'Air Liquide, cette stratégie "soutient les efforts de la Commission européenne pour mettre en œuvre le règlement sur les infrastructures de carburants alternatifs (AFIR)" qui vise à harmoniser le déploiement de bornes électriques et stations hydrogène sur l'ensemble du continent européen.
Ce règlement devrait permettre "d'être prêt entre 2025 et 2027 pour que les constructeurs puissent déployer des véhicules bas carbone", a-t-il précisé. "Si on veut sérieusement décarboner les transports, le vecteur ne peut pas être seulement électrique, il doit être aussi gazeux ou liquide, et l'hydrogène est l'un des seuls vecteurs possibles", a-t-il affirmé. Surtout pour les transports lourds très gourmands en énergie.
Le réseau allemand de stations hydrogène est l'un des quatre grands réseaux de ce type existant dans le monde, avec celui du Japon, de Corée du Sud et de Californie, eux-mêmes soutenus par une industrie automobile en pleine mutation.
"Il y a aujourd'hui deux constructeurs qui ont une vraie stratégie hydrogène dans les voitures individuelles: le japonais Toyota et le Coréen Hyundai, qui ont réussi à baisser leurs coûts et à développer des chaînes d'approvisionnement en composants clés, par exemple pour les réservoirs, les piles à combustibles, les membranes, les produits de catalyse" relève M. Franc.
"Tous les autres constructeurs ont plutôt pour stratégie d'accompagner la mobilité électrique par de la mobilité hydrogène pour des usages bien précis, intensifs et lourds, voitures commerciales, taxis, bus, livraisons dernier kilomètre, logistique", car sur ces usages "la différence avec la batterie est la plus forte".
En France par exemple, "les derniers projets présentés par Stellantis montrent bien qu'ils vont avoir un développement de flottes commerciales hydrogène", a-t-il noté. Le virage est aussi pris par Renault.