Créé dans le but de remplacer les tarifs sociaux de l'énergie, le chèque énergie vise à lutter contre les effets de la précarité énergétique en offrant aux ménages modestes une aide au paiement de leurs factures d'énergie. Dans le rapport publié ce jour, la Cour des comptes dresse un ensemble de constats qui lui paraissent justifier la conduite d'une réflexion sur la nature réelle du dispositif : en ce sens, elle relève notamment que le seul critère retenu par les pouvoirs publics - le niveau de vie des membres des ménages - rend son ciblage peu performant. En outre, le fait que le chèque puisse financer tout type d'énergie va à l'encontre des objectifs climatiques de la France, puisqu'il aboutit à subventionner pareillement l'usage d'énergies carbonées et décarbonées. Au-delà d'une évolution paramétrique du chèque énergie et du renforcement de sa cohérence, la Cour propose trois scénarios possibles, en fonction d'une clarification des objectifs poursuivis.
Le dispositif existant pourrait être simplifié et amélioré pour maintenir sa vocation sociale et le rendre plus accessible
Dans le dispositif actuel, les tranches de revenus formant le barème du chèque ne prennent pas en compte l'évolution pluriannuelle du niveau des salaires en France, ce qui entraîne un risque de diminution mécanique du nombre de ménages relevant des premières tranches (et recevant un chèque de montant plus élevé). Par ailleurs, le taux d'usage (80 %) semble atteindre un plafond, malgré les efforts de promotion des pouvoirs publics et de leurs partenaires. La Cour relève également que les informations relatives aux bénéficiaires demeurent lacunaires, qu'il s'agisse de leurs caractéristiques sociodémographiques, des autres aides sociales qu'ils perçoivent, de leurs consommations énergétiques ou de l'usage qu'ils font du chèque énergie. Enfin, la possibilité d'utiliser le chèque énergie pour financer des travaux de rénovation énergétique n'a pas eu le succès escompté, avec moins de 900 bénéficiaires par campagne.
L'ASP gère correctement le dispositif mais doit s'engager plus activement à dégager des économies de gestion
Sous le pilotage du ministère de la transition écologique, la gestion du dispositif est assurée par l'Agence de services et de paiement (ASP), qui assure directement une partie de sa mise en œuvre opérationnelle. Alors que le nombre de bénéficiaires a considérablement augmenté depuis la création du chèque énergie, la Cour souligne que l'ASP a su s'adapter aux multiples changements en développant de nouveaux outils et services (dématérialisation, pré-affectation, etc.), et en renforçant l'assistance aux utilisateurs. S'agissant de la gestion budgétaire, elle a, en revanche, été moins satisfaisante lors des premières années d'existence du chèque énergie. La stabilisation du dispositif devrait permettre de dégager des économies supérieures à celles constatées actuellement.
Le choix d'un critère simple pour son attribution a pour effet un ciblage imprécis des bénéficiaires
Si le dispositif actuel fonctionne correctement, sa cohérence vis-à-vis de ses objectifs poursuivis soulève des interrogations. En retenant comme critère de mesure de la précarité énergétique le taux d'effort (la part des revenus consacrés aux dépenses énergétiques domestiques), il apparaît qu'environ 25 % des ménages en situation de précarité énergétique ne reçoivent pas le chèque énergie. En sens inverse, environ la moitié des ménages qui le reçoivent ne remplissent pas les conditions pour être considérés comme étant en situation de précarité énergétique. En outre, son montant est trop faible pour permettre de lutter efficacement contre cette précarité, et relègue sa fonction à celle d'une aide sociale de soutien au pouvoir d'achat des ménages disposant du niveau de vie le plus faible. La décision du Gouvernement, en septembre 2021, d'attribuer à tous ses bénéficiaires un chèque uniforme exceptionnel de 100 € renforce cette tendance. Enfin, le fait que le chèque puisse financer tout type d'énergie (carbonées et décarbonées) va à l'encontre des objectifs climatiques de la France.
La clarification des objectifs pourrait guider la refondation de ce dispositif
Pour la Cour, ces constats pourraient justifier d'engager une réflexion sur la nature réelle du chèque énergie afin de renforcer sa cohérence. Dans cette optique, elle propose au législateur de choisir entre les trois scénarios suivants : rendre cette aide libre d'emploi par les ménages, accompagner le maintien du dispositif actuel d'une hausse de la taxation du carbone, ou cibler les seuls ménages en situation de précarité énergétique - ce qui permettrait d'augmenter le montant de l'aide à coût global constant.