Du XIIIe siècle à nos jours, quasiment tous les siècles sont représentés dans cet édifice, construit de 1220 à 1552 (avec des apports jusqu'au début du XXe) et qui dispose de 6.500 m² de surface vitrée et des "plus grandes verrières du transept d'Europe", selon Mgr Jean-Christophe Lagleize, évêque de Metz.
Pour perpétuer la tradition, les vitraux du XXIe siècle de la Sud-coréenne Kimsooja seront prochainement inaugurés en face de ceux de Marc Chagall, "La création et Le péché originel".
Kimsooja a été choisie à l'issue d'une commande publique menée par la Direction régionale des affaires culturelles. Auparavant les propositions des artistes sollicités, Gérard Garouste (1991) et Jean-Pierre Raynaud (2014) n'avaient pas abouti avec le clergé.
L'idée de la Sud-Coréenne, "Breathe" (Respirer), est présentée comme un "écrin de couleurs changeantes au gré des variations de la lumière du jour". Pour y parvenir, elle superpose des verres colorés traditionnels avec des verres industriels, dits "dichroïques", qui reflètent certaines couleurs mais en laissent passer d'autres.
"Préservé par Attila"
Kimsooja complètera la longue liste d'artistes qui ont signé les vitraux de cette cathédrale, la troisième plus haute de France derrière Amiens et Beauvais avec une voûte située à 42 mètres, grâce à l'audace de l'architecte Pierre Perrat (1340-1400).
Hermann de Münster (XIVe), Thomas de Clinchamp, Théobald de Lixheim (XVIe), Valentin Bousch (XVIe) avaient marqué le premier âge d'or du vitrail, celui du vitrail-tableau, explique l'abbé Gabriel Normand, chanoine de l'édifice.
Avec le maître-verrier Laurent-Charles Maréchal (XIXe) la créativité était revenue dans cet édifice construit sur un surplomb, "à l'endroit même où se trouvait l'oratoire dédié à Saint-Étienne épargné par Attila en 451 lors de la destruction de la ville", racontent Mgr Lagleize et le chanoine Normand.
Véritables oeuvres d'art, les vitraux ont été protégés par le clergé mosellan pendant la Seconde Guerre mondiale, mis en caisse et stockés dans la crypte de la cathédrale avant même le déclenchement des hostilités.
"Lors de la déclaration de la guerre, ils ont été envoyés au château de Dissay, près de Poitiers, avant que les Allemands ne les découvrent et les envoient en Allemagne. Ils ont été retrouvés par les Américains dans une mine de sel", relate Guillaume Lefèvre, conservateur de la cathédrale et architecte des Bâtiments de France.
Après-guerre, la cathédrale a bénéficié du renouveau du vitrail français pour s'inscrire dans l'époque contemporaine, à l'image des meubles liturgiques du Suisse Mattia Bonetti (2006) et pourtant en parfaite harmonie avec la cathèdre mérovingienne taillée dans une colonne romaine en marbre clair.
Cocteau par Chagall
Alors qu'on faisait habituellement appel à des maîtres verriers comme Pierre Gaudin (1954), sous l'égide de Robert Renard, architecte en chef des monuments historiques, de grands artistes ont été sollicités.
Pablo Picasso, Georges Braque ou Fernand Léger ont décliné et Jean Cocteau a été écarté au profit de Marc Chagall (1959). OEuvreront aussi Jacques Villon (1957) et Roger Bissière (1959).
Villon, avec ses couleurs éclatantes, peindra "les premiers vitraux figuratifs dans un édifice classé monument historique", souligne l'abbé Normand.
Bissière a lui opposé des mosaïques aux tons froids bleutés côté nord et aux tons chauds côté sud. Il a donné sa lecture de la Création, du Quatrième jour, lorsque le jour se sépare de la nuit.
Chagall, de confession juive et qui a dû recevoir le soutien d'André Malraux, ministre de la Culture, pour achever son travail, a lui fait flamboyer les couleurs du fauvisme.
Ses vitraux sur le thème de l'Ancien testament ont offert à la cathédrale une plus grande renommée. En même temps, ils recèlent une part de son langage personnel. Pour Chagall, le Christ porte sa croix comme le monde porte sa misère.
Et pour l'avenir de l'édifice en pierre de Jaumont, candidat à un classement par l'Unesco, "il reste des vitraux à décorer", souligne Mgr Lagleize.