Après une bonne douzaine d'années pour réparer le plus gros des dégâts de l'incendie, le "Versailles lorrain" a récupéré en 2017 des surfaces qui appartenaient aux armées, ce qui doit lui permettre de créer "un parcours muséal" innovant d'une aile à l'autre du bâtiment.
Objectif: faire revivre le château de Lunéville tel qu'il apparaissait lorsque la Lorraine était indépendante et avait pour duc un roi déchu, Stanislas Leszczynski, ex-souverain de Pologne devenu gendre de Louis XV.
Stanislas, philosophe à ses heures, fera de son palais une cour brillante. Avec sa cour d'honneur et son vaste parc à la française, "on ne croyait pas avoir changé de lieu quand on passait de Versailles à Lunéville", affirmait Voltaire, un habitué.
A la mort de Stanislas, en 1766, la Lorraine devient française. Mais la France ne s'occupera guère du bâtiment, transformé en caserne. Le mobilier de l'époque des ducs de Lorraine est vendu et le château enchaîne les incendies, une tradition déjà bien enracinée à l'époque ducale.
Celui du 2 janvier 2003, dû à un court-circuit, ravage tout le premier étage et la toiture de l'aile droite de la résidence, celle qui abrite les salles les plus précieuses.
Lentement, la reconstruction se met en place, avec l'achèvement en 2010 de la chapelle, joyau de l'ensemble d'où était parti l'incendie. L'aile sud du château est désormais ouverte au public et transformée en musée, avec une porte vitrée d'où l'on peut voir un intérieur encore en ruines.
"Comme un phénix"
"Comme un phénix, notre château renaît de ses cendres", s'enthousiasme Marie-Danièle Closse, présidente de l'association "Lunéville château des Lumières".
Cette association, qui rassemble les dons des particuliers, a permis de mobiliser plus de 760.000 euros en faveur de la restauration du grand escalier nord, inauguré début avril après un an et demi de travail, soit un tiers du budget.
Avant sa restauration, le majestueux escalier en pierre de taille "était ouvert à tous les vents", rappelle Thierry Franz, le conservateur du musée. En témoignent d'antiques graffitis à la gloire de Bob Dylan ou des Doors, qui ornent toujours les parois non encore repeintes. La question se pose de savoir "s'il faut garder ces traces de la culture d'une époque", s'interroge très sérieusement M. Franz.
Cet escalier, par lequel entreront les visiteurs, sera la première étape d'un "parcours muséal cohérent" à travers les appartements ducaux, comme l'explique la présidente (PS) du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, Chaynesse Khirouni.
Propriétaire des lieux, le département a de grandes ambitions "pour redonner au château des Lumières son lustre d'antan", indique-t-elle à l'AFP.
Soutenue par l'Etat et la région, la restauration du château a déjà coûté 43 millions d'euros depuis l'incendie et 14 millions supplémentaires sont budgétés d'ici 2028.
Miroir et candélabres
Pour remeubler les lieux, le département a entrepris sur ce budget d'acquérir des objets ayant appartenu au château, comme un miroir de toilette de la duchesse de Lorraine racheté en 2021 dans une galerie parisienne à la suite d'une souscription populaire.
Mais l'essentiel de l'ameublement ayant été perdu, le département sollicite les métiers d'art locaux pour refaire certaines pièces, comme des candélabres commandés à la cristallerie voisine de Baccarat.
Pour faire renaître le XVIIIe siècle, le projet ne pourra guère s'appuyer sur des gravures d'époque: "il y en a très peu", regrette M. Franz.
En revanche, ont été conservés les plans d'origine de l'architecte Germain Boffrand ainsi que des milliers de factures, véritables fenêtres sur la vie quotidienne des quelque 500 personnes qui vivaient à la cour de Lunéville.
Ces factures permettront de s'approcher au plus près de l'aspect du château à la grande époque, espère M. Franz, qui se refuse à faire "du faux Marie-Antoinette".
"Pour toucher tous les publics dans leur diversité", Mme Khirouni mise sur une "programmation culturelle ambitieuse", avec son et lumières l'été, marché de Noël l'hiver, concerts... "Pas seulement de la musique baroque, mais aussi des musiques du monde, du jazz, de la chanson..."