Le futur centre aquatique de cette ville en lisière de Paris pourra-t-il être livré à temps pour permettre aux athlètes de s'y entraîner, quelques semaines avant les JO ?
La cour administrative d'appel de Paris a mis mercredi un nouveau coup de frein à ce projet au calendrier ultra serré en ordonnant l'arrêt "sans délai" des travaux, près d'un mois après avoir jugé qu'il ne respectait pas certaines dispositions en matière d'urbanisme.
Plaine commune, la structure qui regroupe neuf communes dont Aubervilliers, présidée par le maire (PS) de Saint-Denis Mathieu Hanotin, est sommée de revoir son plan local d'urbanisme, modifié pour bâtir l'infrastructure sur un parking et quelques parcelles de jardins centenaires attenantes.
La municipalité d'Aubervilliers, maître d'oeuvre, a indiqué que cette décision de justice faisait l'objet d'une "analyse" et qu'elle ne communiquerait pas avant qu'une "position commune" soit trouvée entre les différentes parties.
Les pelleteuses étaient à l'arrêt sur le chantier jeudi matin, a constaté une journaliste de l'AFP.
Une réunion entre les opposants et la municipalité, qui devait se tenir dans l'après-midi, a été reportée par la ville.
"Biodiversité"
La disparition d'une partie de cette enclave de verdure au pied des tours a cristallisé les oppositions de certains jardiniers, militants et associations environnementales locales. Elle est devenue un symbole de la "bétonisation" qui asphyxie les zones urbaines, à rebours selon eux à l'urgence écologique.
Pas opposés à la piscine en elle-même, ils fustigent ses annexes - solarium, plage minérale - qui doivent empiéter sur 4.000 m2 de parcelles vivrières - déjà détruites par les travaux - sur les 2,5 hectares (25.000 m2) du site.
La justice administrative a validé d'autres projets liés aux JO comme le Village des médias à Dugny, aux confins d'un parc départemental, ou la création d'un échangeur autoroutier à proximité d'une école à Saint-Denis. Mais elle a cette fois-ci changé de ton.
"Ces travaux, par leur nature, sont susceptibles de causer des conséquences difficilement réversibles sur les parcelles de jardins des Vertus alors même qu'il s'agit d'un noyau primaire de biodiversité", estimait le juge des référés dans l'ordonnance rendue mercredi.
C'est la seconde fois en six mois que le chantier est interrompu sur décision de justice.
Il avait déjà été interrompu brièvement de septembre à novembre 2021 pour un litige autour du permis de construire, que la ville avait dû modifier. Ce volet doit encore être jugé au fond.
Le projet est en réalité un serpent de mer qui fraie depuis longtemps dans les cartons de la mairie.
Aubervilliers en rêve depuis 2005, alors que Paris, qui espérait décrocher les JO dès 2012, lui avait assuré qu'elle aurait son centre aquatique. Une aubaine pour cette ville populaire qui manque de bassins pour l'apprentissage de la natation.
Sur la sellette
Le projet, finalement calibré comme site d'entraînement ensuite rendu aux habitants, avait été enfin mis sur les rails en 2017, sous la houlette de Mériem Derkaoui la maire (PCF) de l'époque.
Dès les premiers recours juridiques toutefois, le comité d'organisation de Paris-2024, piloté par Tony Estanguet, a expliqué que si la piscine ne voyait pas le jour, un autre site d'entraînement serait trouvé. Il a réaffirmé cette position jeudi.
Mais alors quid des quelque 10 millions d'euros que la Solideo est censée investir dans le centre aquatique, soit un tiers du budget ? La société chargée des ouvrages olympiques "étudie les conséquences sur le calendrier" du jugement, a-t-elle fait savoir à l'AFP.
"La question du maintien du projet de centre aquatique en l'état, ainsi que son soutien financier par les Jeux olympiques est clairement posée", a déclaré le collectif de défense des jardins.
Quant au conseil départemental, il soutient la création d'une piscine supplémentaire en Seine-Saint-Denis mais se garde de s'exprimer plus avant sur cet imbroglio.
D'autant que d'autres nuages s'amoncellent sur le département, qui doit urgemment trouver une solution pour le Terrain des Essences, où les épreuves de tir olympique seraient trop à l'étroit.