La comité d’organisation des JO de Paris avait initialement prévu de limiter les émissions de cet événement à 1,58 tCO2e, ce qui reviendrait peu ou prou à diviser de moitié les empreintes carbone des JO de Londres en 2012 (3,3 millions de tCO2e) et de Rio en 2016 (3,6 millions de tCO2e). Bien que l'impact réel ne puisse être véritablement évalué qu'à la fin des jeux, l'étude réalisée par Greenly se concentre sur les émissions évitées par les prises de décision en amont.
Sites olympiques : rénovation de l’existant et construction durable
L’un des atouts de la candidature tient à l’utilisation des infrastructures existantes, contrairement aux villes hôtes précédentes, dont les constructions érigées à cette occasion ont ensuite fait l’objet d’une sous-exploitation. Les JO de Londres avaient déjà tenté de répondre à cette problématique, en combinant de nouvelles constructions à l’usage de structures existantes. Paris devrait pour sa part réutiliser 95% des sites existants pour la quasi-totalité des épreuves.
Pour les nouvelles constructions, les promoteurs ont fait preuve d’ambition en tâchant d’adopter une stratégie bas-carbone en déployant les énergies renouvelables et en utilisant des matériaux durables tels que le bois d'œuvre et le béton bas-carbone. Ainsi, le bilan du mètre carré construit devrait être de 0,7 tCO2e, contre 1 tCO2e pour l’usage moyen. Cette approche responsable a été adoptée pour la construction du Village Olympique avec des mesures telles que l’utilisation de bois d’œuvre et de béton bas-carbone. L’ensemble des mesures aurait permis une réduction de 30% des émissions par rapport à une construction classique équivalente. D’autant plus qu’une fois la compétition terminée, le Village Olympique deviendra un quartier accueillant des logements, des commerces, des équipements publics, des bureaux et des espaces verts qui répondront aux besoins à long terme de 6.000 habitants, prolongeant ainsi la durée de vie des lieux.
D’autres initiatives telles que l'utilisation du transport fluvial via la Seine - pour acheminer les gravats excavés lors de la construction du Village Olympique - devrait aussi permettre d’éviter les 3.000 tCO2e qui auraient été générées par le transport via camion.
Essor des énergies renouvelables
Paris 2024 vise à faire des progrès significatifs dans la réduction des émissions en ce qui concerne la consommation d'énergie. En promouvant les énergies renouvelables et l’installation des panneaux d'affichage électriques rétractables, Paris 2024 table sur une économie de 13.000 tCO2e. “Habituellement”, les événements sportifs et culturels utilisent des groupes électrogènes fonctionnant au diesel.
Par ailleurs, certains sites clés tels que le Village Olympique et le Centre Aquatique ont été conçus pour répondre à une partie de leurs besoins énergétiques grâce aux énergies renouvelables. Des panneaux solaires et un auvent en tissu photovoltaïque contribueront à la production d’électricité locale. Il est également prévu d’installer une centrale solaire flottante sur la Seine, équipée de 720 m² de panneaux photovoltaïques pour compléter l’approvisionnement en énergie renouvelable.
Économie circulaire et responsable
Les organisateurs des jeux ont tâché d’adopter une stratégie d’achat responsable pour lutter contre la consommation non durable - une dépense évaluée à environ 2,5 milliards d’euros en biens et services. Tous les meubles achetés sont supposés avoir été conçus dans un souci de durabilité, pour soutenir l’utilisation de long terme et l’inclusion des pratiques de l’économie circulaire. À ce titre les 11.000 sièges du Centre Aquatique de Saint-Denis ont par exemple été fabriqués à partir de matériaux recyclés.
Même si la restauration représente 1% des émissions totales des jeux, les organisateurs ont souhaité souligner l’importance d’appliquer de meilleures pratiques. Ainsi, avec 13 millions de repas servis pendant les jeux, l’offre de plats végétariens sera renforcée, atteignant 50% de l’offre proposée au total. De plus, 80% des déchets alimentaires seront compostés. L’empreinte carbone de chaque repas pourrait être réduite d’environ 51% émettant ainsi 1 kgCO2e contre 2,04 kgCO2e pour le repas moyen d’un Français. Au total, ce serait plus de 13.520 tCO2e économisés.
Entre éco-mobilité et vols internationaux
L’empreinte carbone la plus importante proviendra du transport des spectateurs. Il est estimé que plus de 15.000 athlètes, 9.000 journalistes et 15 millions de spectateurs, dont 1,5 million venant de l'étranger, se rendront aux jeux. Bien que les chiffres de fréquentation des JO de Paris ne soient pas encore connus, Greenly s’est basé sur les enseignements de ceux de Londres. Au cours de ces jeux, environ 471.000 voyages avaient été effectués au Royaume-Uni - principalement pour les jeux (à Rio c’était 410.000).
Pour calculer les émissions liées au déplacement des spectateurs, Greenly a proposé plusieurs hypothèses quant aux modes de transport utilisés par les visiteurs des différents pays, en fonction de leur distance depuis Paris. Dans ces hypothèses, les spectateurs des pays voisins comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, privilégieraient pour moitié le train - l’autre moitié, l’avion, tandis que les spectateurs en provenance des Etats-Unis, du Canada ou du Japon, se trouveraient dans l’obligation de prendre l’avion. Sur la base de ces hypothèses, Greeny estime à environ 813.000 tCO2e les émissions liées au transport, soit à peu près l’équivalent de l'empreinte carbone annuelle moyenne de 90.333 Français.
Nuitées dans la capitale
À l’occasion des JO, le nombre total de nuitées attribuables aux spectateurs a été estimé à 13.657.652. Pour réaliser l’estimation de l’impact environnemental de ces séjours, Greenly s’est fondé sur l’empreinte carbone d’une nuitée dans une chambre d'un hôtel 3 étoiles en France (selon la méthodologie de l'Hotel Carbon Measurement Initiative, évaluant le facteur d’émission à 6,2 kgCO2e). Greenly estime donc à environ 85.000 tCO2e les émissions liées à l’hébergement des spectateurs.
Opération de nettoyage de la Seine
Le nettoyage de la Seine, une initiative à 1,4 milliards d’euros, vise à avoir un impact positif sur la faune et la flore, et permettre la réouverture du fleuve à la baignade, interdite depuis 1923. Chaque année, plus de 360 tonnes de déchets seraient extirpées du fleuve. Au cours de ces deux décennies, l’amélioration des infrastructures aurait toutefois permis de réduire de 90% les eaux usées rejetées dans la Seine. Le nouveau réservoir, d’une capacité de 45.000m3, situé du côté de la gare d'Austerlitz, constitue une solution prometteuse dans la gestion des eaux de pluie excédentaires. Mais malgré ces réalisations, des problèmes persistent.
Des recherches récentes ont ainsi établi que le processus de dégradation des plastiques - notamment lorsqu'ils sont exposés à la lumière UV - pourrait se trouver à l’origine de l’émission de gaz à effet de serre puissants tels que le méthane, lesquels contribuent à l’aggravation du changement climatique. De plus, les microplastiques déversés dans les océans perturbent les capacités d'absorption du carbone par le phytoplancton, tout en affectant son métabolisme et sa reproduction. Le phytoplancton étant responsable d'environ 45% de la production d'oxygène de la Terre, ces perturbations compromettent une régulation vitale des niveaux de dioxyde de carbone et de la production d'oxygène.
Stratégie de compensation carbone
En dépit des nombreuses mesures prises pour réduire l’empreinte carbone des JO, certaines émissions restent inévitables. Les organisateurs se sont d’ailleurs engagés à entièrement les compenser en soutenant des projets de compensation carbone. Cependant, plusieurs réserves sont émises quant à la crédibilité de cette stratégie.
Pour Tommy Catherine, Expert Climat chez Greenly : « Même si le comité des jeux promet d’être méticuleux dans le choix des projets, ces derniers sont souvent critiqués pour leur manque d’efficacité et de transparence. Hélas, des incertitudes demeurent quant au fait de savoir si ces projets neutralisent ou réduisent réellement les émissions. Un certain scepticisme plane, conforté par l’idée que certains pourraient chercher à se dérober par ce biais, et poursuivre des activités nuisibles à l’environnement sous couvert d’une prétendue “compensation environnementale”. Cet ensemble de méthodes comptables variables, de manque de normalisation dans l’évaluation des projets et de potentiel d’impacts négatifs sur les communautés locales et les écosystèmes continuent d’alimenter la critique à l’encontre de la compensation carbone. »
Pour accéder à l’étude complète, cliquez ici.