"L'objectif, c'est de remettre au coeur des politiques publiques les citoyens en partant plutôt de leurs préoccupations", plaide Mohamed Mechmache devant quelque 35 personnes venues à la maison des associations de Roubaix.
Le fondateur de l'association ACLEFEU et de la coordination Pas Sans Nous s'est vu confier par le ministre délégué à la Ville et au logement, Olivier Klein, la présidence d'une commission visant à recueillir la parole des habitants des quartiers populaires pour calibrer la future politique de la ville.
Début 2024, l'Etat et les collectivités devront établir de nouveaux contrats de ville, qui définissent la politique en matière de rénovation urbaine, d'insertion ou de sécurité dans les quartiers prioritaires, les précédents, conclus pour la période 2015-2023, arrivant à terme.
Ces contrats nouvelle génération, nommés "Engagements Quartiers 2030", seront, promet le ministère, plus décentralisés, et devront tenir davantage compte de la parole des habitants.
"Faire sans nous, c'est faire contre nous"
Mais à Roubaix, ville populaire au nord de la métropole lilloise dont trois quarts des 100.000 habitants vivent en quartier prioritaire, beaucoup de militants associatifs disent ne plus croire aux concertations, épuisés par leur combat -jusqu'ici vain- contre un projet de démolition-reconstruction dans un quartier, l'Alma-gare.
"On veut détruire le quartier sans nous", déplore devant l'assistance Florian Vertriest, président du collectif en pointe de ce combat.
"Ecoutez-nous, mettez fin à ce désordre, s'il vous plaît", dit-il, se tournant vers un conseiller du ministre discrètement assis au fond de la salle.
"Quand les gens ont juste l'impression de ne servir à rien et d'être de simples petits relais, je pense que c'est contre-productif", renchérit Nassim Sidhoum, président d'association.
"Je partage votre sentiment sur le fait que trop souvent, on fait sans nous, et faire sans nous, c'est faire contre nous", approuve Mohamed Mechmache.
"La concertation c'est du pipeau", tranche directement un des participants.
"Y a pas de volonté politique d'écouter les gens", tranche-t-il. "On traite les gens de cette manière-là parce qu'ils sont pauvres."
Quelques orateurs évoquent d'autres sujets: l'un demande que les projets de rénovation urbaine intègrent davantage de mesures concrètes contre les discriminations.
Si l'on se contente d'observations et de rapports, dit-il, un élu qui n'aurait pas envie d'agir, "les rapports qui calent les armoires, il en a des tonnes !"
Plusieurs personnes dans la salle acquiescent.
Entre convaincus
Un autre participant, prénommé Hamza, plaide pour le paiement à la source des aides sociales. Un troisième, Eric, réclame que l'Etat investisse davantage dans le logement social.
Sans trop d'espoir que ce ne soit suivi d'effets.
"On est les convaincus, entre nous", constate Réjane Poyé, "et d'un autre côté, il y a les non convaincus qui ont le pouvoir". "On va nous dire +on écoute ce que vous dites+ et ensuite on va nous casser !", prédit cette Roubaisienne aux cheveux blancs.
Pour autant, les organisateurs n'ont pas le sentiment d'avoir perdu leur temps.
"On sent une sorte de colère, des gens qui disent 'ça sert à rien la participation'", constate Mohamed Mechmache à la sortie. "Mais ils sont quand même venus..."
Gilles Leproust, président de l'association d'élus Ville et Banlieue, voit dans la commission "un élément important pour permettre que les contrats de ville soient le plus adaptés possible à l'urgence sociale".
"Les meilleurs experts des quartiers, ce sont les habitants eux-mêmes", justifie l'élu communiste, tout en regrettant que la commission n'ait pas été lancée plus tôt.
Elle devait en effet naître au début de l'année, mais a été annoncée début mars et son tour de France a débuté fin avril.
Deux consultations ont eu lieu, à Montpellier et Roubaix. Narbonne doit suivre le 25 mai, et les préfectures vont bientôt recevoir des consignes pour en organiser elles-mêmes dans quelques-uns des plus de 1.400 quartiers prioritaires de France.