Selon l'ONU les politiques publiques en matière de handicap sont encore trop marquées par une approche "médicale" qui cantonne les personnes concernées dans des foyers spécialisés, a estimé le Comité des Nations unies pour les droits des personnes handicapées.
Ces experts indépendants, chargés de surveiller l'application par les États de la Convention des droits des personnes handicapées (entrée en vigueur en France en 2010), ont rendu ces conclusions après trois séances d'auditions de responsables gouvernementaux, organisées en août.
Le Comité onusien s'étonne que les associations représentant les personnes handicapées soient en même temps gestionnaires d'institutions spécialisées financées par les pouvoirs publics: selon lui, cela conduit à des "conflits d'intérêt" et constitue un "obstacle" pour que les personnes concernées puissent "passer des soins médico-institutionnels à une vie indépendante".
L'association APF France handicap, elle-même gestionnaire de nombreux lieux de vie, a réagi à ce rapport en soulignant qu'elle en partageait de nombreuses conclusions, notamment sur la lenteur des progrès en matière d'accessibilité des infrastructures.
Le gouvernement "partage la volonté du comité de changer le regard de la société sur le handicap" et "lever les préjugés", a réagi de son côté la secrétaire d'État en charge du dossier Sophie Cluzel.
Concernant les critiques sur la trop grande place laissée aux institutions spécialisées, elle a souligné que la France avait "engagé une mutation", pour une plus grande "inclusion scolaire" et une "transformation de l'offre médico-sociale".
"Sur les 12 millions de personnes en situation de handicap en France, 100.000 personnes majeures sont hébergées en établissement", a observé Mme Cluzel, soulignant qu'"entre le tout établissement et le tout domicile", elle ambitionnait de développer "des habitats alternatifs".
Les experts de l'ONU critiquent par ailleurs les modalités d'octroi de l'Allocation pour adulte handicapé (AAH), qui ne devraient pas selon eux dépendre des revenus du conjoint, car cela va à l'encontre de l'"autonomie" des femmes handicapées. Une vision partagée par l'APF, qui organise justement une journée de mobilisation sur ce thème jeudi.
Les experts appellent aussi la France à modifier la loi "Elan" de 2018, qui a abaissé de 100% à 20%, dans les programmes immobiliers neufs, la part de logements accessibles aux personnes à mobilité réduite.
Sur ce point, le gouvernement s'est défendu en soulignant que tous les logements neufs devaient être "évolutifs", en étant dotés par exemple d'une douche "à l'italienne", et que les ascenseurs étaient obligatoires dans les immeubles neufs à partir de deux étages.