A la cité des Raguenets à Saint-Gratien (Val-d'Oise), le city-stade de La Bombonera, du nom du stade mythique de Buenos Aires, ne vibre plus depuis le 29 mai sur décision de la mairie.
Des blocs de béton ont été installés sur le terrain et la pelouse synthétique a été arrachée.
"A 7h du matin, des pelleteuses ont débarqué dans la cité et ils ont rasé le terrain, sans qu'il y ait d'affichage municipal. C'est un acte de vandalisme", juge Zaki Diop, un habitant du quartier.
Pour ce consultant, la suppression du terrain "est plus qu'une punition. On sort de deux mois de confinement, ça a été dur pour tout le monde et on vous enlève l'un des rares espaces pour s'aérer l'esprit".
Le city-stade, "c'est un lieu d'échanges (...) On parle de nos problèmes.
Le terrain va avec la vie du quartier, il a traversé les générations, des joueurs pro sont sortis de ce terrain. C'est notre patrimoine", clame Zaki Diop qui, avec plusieurs habitants, a déposé une requête au tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour contester la décision de la municipalité (LR).
La mairie affirme vouloir éviter la tenue de "tournois clandestins" avec des "centaines" de joueurs qui "s'approprient l'espace public", engendrant "des nuisances pour les habitants".
"Il suffisait de dire : vous avez fait trop de bruit", estime Malika Schiff dont les quatre garçons profitaient du terrain. Depuis, "les jeunes filles et garçons tournent en rond", explique la maman qui réside dans la cité depuis 1978.
Pour Kacim Joly, 19 ans, amateur de ballon rond, "c'est mieux que les jeunes fassent du foot plutôt qu'ils traînent dans la rue".
Selon une source policière, "ce terrain ne posait pas de problème si ce n'est quelques nuisances sonores mais de là à le détruire nous n'étions pas favorables".
"De manière générale, les city-stades ne sont pas des lieux qui attirent particulièrement notre attention. Il peut y avoir des jeunes qui fument (de la drogue) mais actuellement ce ne sont pas des points de deal", poursuit cette source.
"Vitrine des quartiers"
A Paris, dans le XVIIIe arrondissement, près de Montmartre, c'est la création d'un city-stade en 2018 qui suscite des remous.
"Le très joli jardin d'enfants a vu son bloc de jeux rasé au profit d'une cage de football grillagée, excluante pour les petits et les moyens", accuse Anne Thoumieux, habitante du quartier qui a lancé une pétition: "non au 100% foot!".
Vidéos et photos à l'appui, elle dénonce le "mésusage de l'équipement" avec "des jeunes adultes qui font des parties de foot nocturnes" mais aussi "les problèmes de drogue".
En contre-attaque, l'ancien joueur du PSG Vikash Dhorasso, ex-candidat aux municipales à Paris sur une liste LFI, a également lancé sa pétition: "touche pas à mon stade-city".
Pour l'ancien Bleu, il s'agit "d'un espace de vie et de lien social" dans "un quartier gentrifié" qui "ne propose plus que de la consommation comme loisirs".
"On nous parle de boboïsation alors qu'on se bat pour le retour de toboggans. A cause du city-stade, de mixité il n'y en a plus du tout notamment entre les filles et garçons", rétorque Mme Thoumieux.
Prise entre deux feux, la mairie cherche un nouvel emplacement pour le mini-stade.
A La Courneuve, Pantin ou encore Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), l'installation des city-stades se fait dans la concertation et les mairies soutiennent les habitants dans l'organisation de tournois "vitrine des quartiers".
Ainsi, au coeur de la cité des 3.000 à Aulnay et avec le soutien du maire LR Bruno Beschizza qui fournit masques et gradins, se tient sur trois semaines la deuxième édition de la "CAN des quartiers", inspirée de la Coupe d'Afrique des nations.
La rencontre du jour, France-Guinée, affiche complet (200 places) et l'ambiance est électrique, digne d'une compétition professionnelle.
Cet événement, "c'est des petites vacances d'été post confinement parce qu'aujourd'hui on est tous bloqué ici", explique "micro3KS", co-organisateur de la compétition.