Le président de la République avait réaffirmé le 12 juillet sa volonté d'engager la réforme "dès que les conditions sanitaires ser(aient) réunies", demandant au gouvernement de "travailler avec les partenaires sociaux sur ce sujet à la rentrée".
Les organisations syndicales, reçues à Matignon depuis mercredi pour un large tour d'horizon des questions d'actualité, ont fermé la porte sans ambiguïté à d'éventuelles discussions, semblant sceller le sort d'une réforme qui fut une promesse de campagne du candidat Macron en 2017, et devrait revenir en 2022.
"Il n'y a pas de voie de passage pour une quelconque réforme d'ici 2022. Et donc toute concertation qui s'opèrerait serait un peu lunaire (...). On ne va pas se mettre à discuter avec un gouvernement pour nourrir le programme d'un candidat. Ça n'a pas de sens", a taclé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.
Son homologue de la CGT, Philippe Martinez, a évacué la question en "trente secondes" lors de sa rencontre avec Jean Castex. "Il n'est pas question de se concerter sur les retraites. C'est un sujet de tensions, et si c'est pour discuter de l'allongement de l'âge de la retraite, on n'y sera pas", a-t-il résumé.
Le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux lui-même a rappelé que s'il fallait "aborder le sujet de l'âge de la retraite, du nombre de trimestres de cotisations", on ne "pouvait pas le faire à la sauvette en quelques semaines". "C'est un sujet de débat démocratique pour la présidentielle", a-t-il tranché.
Même son de cloche, côté syndical, pour Force ouvrière, la CFE-CGC, et la CFTC, et côté patronal, pour l'U2P.
Plusieurs organisations se sont en revanche déclarées ouvertes à des discussions sur l'emploi des seniors, question connexe comme l'a souligné le président de la CFTC, Cyril Chabanier. Reculer l'âge de la retraite, "si c'est pour transformer des retraités en chômeurs, ça ne sert pas à grand chose", a-t-il dit.
"Pression sur les branches"
Ce "niet" des syndicats et du patronat n'a pas surpris l'exécutif, qui souligne par ailleurs que même si la quatrième vague tend à refluer, la crise sanitaire n'est pas totalement finie. Et que le sujet des retraites n'en est qu'un parmi d'autres.
La crise sanitaire s'est bien sûr imposée dans les discussions, Philippe Martinez faisant ainsi part de sa crainte d'une "catastrophe sanitaire", si "5 ou 10% du personnel" des hôpitaux s'en va en raison de l'obligation vaccinale. "Plutôt que de contraindre il (faut) continuer à discuter", a-t-il recommandé.
M. Roux de Bézieux a redit son souhait que le pass sanitaire "dure le moins longtemps possible" et invité à en exempter les centres commerciaux.
Il a suggéré au Premier ministre de réexaminer les règles concernant la restauration collective dans les entreprises, et fait part à la presse de "l'engagement" de l'exécutif à "revoir cette partie-là".
Autre sujet brûlant - et polémique -, celui des salaires, que le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a lui-même remis sur la table la semaine dernière en invitant à se "reposer la question" d'une amélioration des rémunérations.
La CFDT souhaite que le gouvernement fasse "pression sur les branches patronales quand elles ont bénéficié d'aides", tandis que la CGT et Force ouvrière appellent l'Etat à revaloriser le Smic et le point d'indice des fonctionnaires.
A Matignon, on souligne que le gouvernement ne "va pas décréter une augmentation générale des salaires" et que des travaux sont entamés dans certaines branches pour discuter des "minima et des classifications".
M. Roux de Bézieux a renvoyé la balle dans le camp de l'Etat, affirmant que pour "les salaires dans les métiers de services, qui sont les métiers les moins rémunérés mais qui ont aussi les plus faibles marges pour l'entreprise, l'exemple doit venir de l'Etat".
Le gouvernement devrait par ailleurs faire connaître "très rapidement" ses arbitrages concernant le revenu d'engagement pour les jeunes, selon M. Martinez.