Le 5 novembre, deux immeubles de la rue d'Aubagne, dans le quartier populaire de Noailles, s'étaient effondrés. La catastrophe a fait huit morts et révélé l'ampleur du problème de l'habitat dégradé à Marseille, ouvrant l'une des crises les plus graves qu'a traversé le maire en 23 ans de mandat.
"Gaudin démission !", ont une nouvelle fois scandé quelque 300 manifestants devant l'hôtel de ville, qui avait des allures de camp retranché, avec un large périmètre de sécurité bouclé dès l'aube sur le Vieux-Port.
Dans l'hémicycle, les opposants ont obtenu près de trois heures de débat exceptionnel sur le sujet. "Les victimes me hanteront toujours", a déclaré le maire, qui a fait respecter une minute de silence.
Il a souligné les efforts de la ville pour accompagner les centaines de sinistrés, des "7.000 repas" gratuits distribués jusqu'à une fête de fin d'année offerte à "200 personnes" lundi. Au total, 200 immeubles ont été évacués, pour évaluer leur état, depuis un mois et demi dans la deuxième ville de France. Quelque 1.600 personnes se retrouvent temporairement sans domicile fixe, hébergées pour la plupart en hôtel.
"J'ai entendu les douleurs, les colères et les critiques. J'ai fait face dans la tempête avec la charge considérable du capitaine qui doit remplir sa mission et je continuerai à le faire. Il faut tout faire pour qu'un tel drame ne se reproduise pas", a encore déclaré M. Gaudin, 79 ans.
Sur la rue d'Aubagne, "il est facile pour certains de se transformer en procureur et de tirer des accusations (...) sans le moindre fondement", a poursuivi l'élu, appelant à "ne pas préjuger" des résultats de l'enquête judiciaire ouverte pour "homicides involontaires".
"Faillite d'une équipe"
A deux ans des municipales, l'opposition n'en a pas moins dressé un réquisitoire sans concession du "système" Gaudin, comme le désigne le patron des socialistes marseillais Benoît Payan.
"Non, les habitants de la rue d'Aubagne ne sont pas morts de la pluie, du hasard ou du destin, mais de l'abandon, du cynisme, et du mépris", a déclaré l'élu socialiste.
"Depuis un quart de siècle, vous inventez une ville de carte postale qui n'existe pas, plutôt que de vous occuper de ceux qui y vivent. Mais le vernis se craquelle. Vous avez été quatre fois maire de Marseille, c'est la faillite d'une équipe, de vos choix politiques", a-t-il poursuivi.
L'ancienne ministre socialiste Marie-Arlette Carlotti a présenté une série de propositions contre l'habitat indigne, dont des réquisitions et la mise en place d'un "permis de louer". M. Gaudin s'y est dit favorable sur le principe, refusant toutefois de faire entériner ces propositions par un vote du conseil municipal.
Le maire, qui a déjà annoncé qu'il ne se représenterait pas, a laissé la plupart du temps ses adjoints ou les élus de sa majorité monter au front. Dont deux de ses "dauphins" potentiels dans la lutte qui s'annonce à droite pour sa succession, la présidente du département et de la métropole Martine Vassal et le sénateur Bruno Gilles.
Mme Vassal a vanté le plan de rénovation de l'habitat qu'elle a fait entériner par la métropole et assuré que le "drame de la rue d'Aubagne sera(it) le point de départ d'une nouvelle politique de l'habitat".
Plus direct, son concurrent potentiel Bruno Gilles a appelé, sous l'oeil d'un Jean-Claude Gaudin impassible, à "changer" : "Nous ne pouvons plus reproduire les mêmes méthodes et attendre un résultat différent", reconnaissant la "part d'erreur" de la municipalité dans sa politique du logement.
Pour l'immédiat, le maire a quant à lui annoncé avoir demandé à l'Etat la reconnaissance de l'état de "catastrophe naturelle" après le drame. "Gaudin, c'est toi la catastrophe naturelle !", lui ont répondu sous les quolibets les manifestants rassemblés au-dehors.